Читаем Désenchantées полностью

Merde. Elle n’avait pas annulé son épilation du maillot pour se taper les discours moralisateurs d’une ratée de l’Éducation nationale. Dans Cendrillon, Fanny ne s’était jamais projetée dans le rôle de la belle-mère. D’ailleurs, depuis qu’elle était belle-mère, elle voyait les choses sous un autre angle. La martyre n’était peut-être pas celle qu’on croyait. Et au moins, Cendrillon faisait le ménage et preuve d’un certain goût pour les jolies robes et les chaussures en édition limitée. Les tenues et l’état de la chambre de Lilou, à l’inverse, laissaient penser que l’adolescente avait plus pour vocation de dire la bonne aventure dans un bidonville de Calcutta que de fréquenter les bals à la recherche d’un prince, aussi charmant fût-il.

Ève Pocholle, les lèvres pincées, se leva à son tour.

— Bonne journée, madame Courtin, je suis désolée que vous le preniez comme ça. Si vous ne voulez pas vous occuper de Lilou, peut-être serait-il préférable que ce soit son père qui assiste à ce genre de rendez-vous. J’ai malheureusement le pressentiment qu’ils risquent de se reproduire…

Si vous ne voulez pas vous occuper de Lilou. La formulation coupa la respiration à Fanny. Combien de rendez-vous médicaux, de réunion parents-professeurs, de sorties scolaires, d’attente à la piscine municipale pendant les cours de natation avait-elle subis pour s’occuper de Lilou, justement ? Pourquoi était-ce toujours elle qu’on jugeait ? Ce n’était même pas sa fille, merde !

— Viens, ordonna Fanny à Lilou, on y va.

Sans un mot de plus, elle saisit son sac et sortit.

*

Document de travail

Affaire Sarah Leroy – année 1995

Iris, en parfaite belle-mère, a envahi la vie de Sarah comme un cancer. Elle est restée tapie dans l’ombre, le temps de placer ses métastases en toute discrétion et quand Sarah a pris conscience de la gravité de la situation, il n’était plus possible de s’en débarrasser. J’avoue être assez fière de cette métaphore.

Iris avait un corps de liane sur lequel deux grossesses étaient passées sans laisser la moindre trace, une peau lisse, veloutée, qui donnait envie de s’asseoir à ses pieds et de poser sa joue contre ses jambes galbées pour inspirer le parfum sucré de sa crème pour le corps. Elle était originaire de Bouville, qu’elle avait quitté à dix-huit ans pour faire des études d’esthéticienne à Lille. Elle affirmait que son retour avait été motivé par l’envie de renouer avec ses racines. En réalité, personne ne savait rien de la vie d’Iris avant son emménagement à Bouville. Elle est arrivée, jeune divorcée d’une quarantaine d’années, avec ses deux fils. Nous ne l’avons jamais entendue évoquer le père de sa progéniture, comme si ses enfants, Éric et Benjamin Chevalier, étaient issus du Saint-Esprit. Nous ne savons pas non plus comment elle a rencontré Bernard Leroy, ni même depuis combien de temps ils se connaissaient quand ils se sont mariés. Elle a beaucoup insisté pour ne pas être officiellement présentée à Sarah avant qu’ils aient fixé la date du mariage, prétendument pour ne pas perturber sa future belle-fille. Vous noterez toutefois qu’elle n’a pas éprouvé le besoin d’attendre pour inciter le père de Sarah à investir dans l’institut de beauté flambant neuf qu’elle s’est offert près du club nautique.

Un jour, elles étaient alors en CM2, Sarah est rentrée de l’école avec Angélique pour faire un exposé sur le Club des cinq. Sarah est allée aux toilettes et Angélique est sortie dans le jardin où elle est tombée sur Iris, étendue sur une chaise longue. Iris a examiné attentivement Angélique et a conclu :

— Tu es absolument ravissante.

C’était un constat. Une note octroyée par un professeur objectif sur un ton satisfait, comme si le physique d’Angélique convenait à Iris. Sur l’échelle de la beauté à l’aide de laquelle Iris jugeait toutes les femmes qui croisaient son chemin, « absolument ravissante » était sans doute le plus haut grade. Pour être absolument ravissante, il fallait, selon elle, être très mince, très jeune et dénuée de la moindre imperfection, du moindre poil, de la moindre ride ou tache. Il fallait être lisse comme le papier glacé d’un magazine féminin. Iris était aussi exigeante avec elle-même qu’avec les autres. Elle passait un temps infini à entretenir son corps, son visage, ses mains, ses pieds. Elle ne faisait jamais un écart – s’expo­ser au soleil sans crème solaire, manger une chips ou manquer sa séance de footing quotidienne n’étaient pas des options. C’est à cause de gens comme Iris qu’on vit aujourd’hui dans un monde où l’on pense qu’il faut retoucher les photos de Penélope Cruz.

Angélique, qui a eu la présence d’esprit de haïr aussitôt Iris, a répondu à ce compliment avec un sourire moqueur :

— Oui, je sais.

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