Читаем Et si s'etait vrai... полностью

Arthur hésita, il la décrivit grande, très grands yeux, jolie bouche, un visage d'une douceur en opposition totale avec son comportement, lui parla de ses longues mains qui dessinaient des mouvements gracieux.

- Si je vous avais demandé de m'indiquer une station de métro, vous m'auriez donné toutes les correspondances ?

- Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas.

- Vous détaillez toujours les femmes avec autant de précision ?

- Comment êtes-vous entrée, vous avez un double des clés ?

- Je n'en ai pas besoin. C'est tellement incroyable que vous me voyiez.

Elle insista à nouveau, c'était pour elle un miracle d'être vue. Elle lui dit qu'elle avait trouvé très jolie la façon dont il l'avait décrite et l'invita à s'asseoir à ses côtés. « Ce que je vais vous dire n'est pas facile à entendre, impossible à admettre, mais si vous voulez bien écouter mon histoire, si vous voulez bien me faire confiance, alors peut-être que vous finirez par me croire et c'est très important car vous êtes, sans le savoir, la seule personne au monde avec qui je puisse partager ce secret. »

Arthur comprit qu'il n'avait pas le choix, qu'il lui faudrait entendre ce que cette jeune femme avait à lui dire, et bien que sa seule envie du moment fût de dormir, il s'assit auprès d'elle et écouta la chose la plus invraisemblable qu'il entendit de sa vie.

Elle s'appelait Lauren Kline, prétendait être interne en médecine, et avoir eu il y a six mois un accident de voiture, un grave accident de voiture à la suite d'une rupture de direction. « Je suis dans le coma depuis. Non, ne pensez rien encore et laissez-moi vous expliquer. » Elle n'avait aucun souvenir de l'accident. Elle avait repris conscience en salle de réveil, après l'opération. Parcourue de sensations très étranges, elle entendait tout ce qui se disait autour d'elle, mais ne pouvait ni bouger ni parler.

Au début elle avait mis cela sur le compte de l'anesthésie. « Je me trompais, les heures ont passé et je n'arrivais toujours pas à me réveiller physique-ment. » Elle continuait à tout percevoir mais elle était incapable de communiquer avec l'extérieur.

Elle avait alors vécu la plus grande peur de sa vie, pensant pendant plusieurs jours être tétraplégique.

« Vous n'imaginez pas par quoi je suis passée. Pri-sonnière à vie de mon corps. »

Elle avait voulu mourir de toutes ses forces, mais il est difficile d'en finir quand on ne peut même pas lever son petit doigt. Sa mère était à son chevet.

Elle la suppliait par la pensée de l'étouffer avec son oreiller. Et puis un médecin était entré dans la pièce, elle avait reconnu sa voix, c'était celle de son professeur. Mme Kline lui avait demandé si sa fille pouvait entendre lorsqu'on lui parlait, Fernstein avait répondu qu'il n'en savait rien, mais que des études permettaient de penser que les gens dans sa situation percevaient des signes de l'extérieur, et qu'il fallait être vigilant quant aux mots prononcés à côté d'elle. « Maman voulait savoir si je reviendrais un jour. » Il avait répondu d'une voix calme qu'il n'en savait toujours rien, qu'il fallait conserver une dose juste d'espoir, qu'on avait vu des malades revenir au bout de plusieurs mois, que c'était très rare mais que cela arrivait. « Tout est possible, avait-il dit, nous ne sommes pas des dieux, nous ne savons pas tout. » Il avait ajouté : « Le coma profond est un mystère pour la médecine. » Étrangement, elle en avait été soulagée, son corps était intact. Le diagnostic n'était pas plus rassurant mais au moins pas définitif. « La tétraplégie, c'est irré-

versible. Dans les cas de coma profond, il y a toujours un espoir, même minime », ajouta Lauren. Les semaines s'étaient égrenées, longues, de plus en plus longues. Elle les vivait dans ses souvenirs et pensait à d'autres lieux. Une nuit en rêvant à la vie de l'autre côté de la porte de sa chambre, elle avait imaginé le couloir, avec les infirmières qui passent les bras chargés de dossiers ou poussant un chariot, ses confrères, qui allaient et venaient d'une chambre à l'autre...

- Et ceci s'est produit pour la première fois : je me suis retrouvée au milieu de ce corridor auquel je pensais si fort. J'ai cru tout d'abord que mon imagination me jouait un tour, je connais bien ces lieux, c'est l'hôpital où je travaille. Mais la situation était saisissante de réalisme. Je voyais le personnel autour de moi, Betty ouvrir le placard d'étage, y prendre des compresses et le refermer, Stephan passer en se frottant la tête. Il a un tic nerveux, il fait cela tout le temps.

Elle avait entendu les portes de l'ascenseur, senti l'odeur des repas que l'on apportait au personnel de garde. Personne ne la voyait, les gens passaient autour d'elle sans même essayer de l'éviter, totalement inconscients de sa présence. Se sentant fatiguée, elle avait réintégré son corps.

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