Aussi a-t-on d'assez bonnes raisons de supposer que si l'auteur recut la commande de composer pour le roi Ren'e une description po'etique de la joute, il lui fut indiqu'e pr'ecis'ement ce qui devait ^etre repr'esent'e. Voil`a pourquoi la description des armes, des caparacons, et des timbres tient une place si essentielle. Mais de qui recut-il cette commande? Car, dit-il, il ne connaissait aucune des personnalit'es.
Pourtant trois des participants lui 'etaient connus. Et d'abord le plus proche compagnon d'armes du roi Ren'e, le s'en'echal de Poitou et de Provence Louis de Beauvau, et sa femme, Jeanne de Beauvau. Il dit lui-m^eme qu'il conna^it celle-ci, lorsqu'il parle de la pr'esence de dames `a la f^ete et remarque:
Cette 'epith`ete de
Sur le caparacon de son cheval 'etaient cousues les lettres J et B. 'Etaient-ce les initiales de Jeanne de Beauvau?
Bien s^ur tout ceci nous autorise seulement `a dire que notre auteur connaissait quelque peu ces gens. Louis de Beauvau, si l'on en juge par les 'eloges que notre auteur fait de sa g'en'erosit'e, avait vraisemblablement 'et'e `a un moment ou `a un autre son bienfaiteur. Enfin on peut supposer que connaissant parfaitement les go^uts du roi Ren'e, il fut le commanditaire de la description de la joute. Louis de Beauvau n''etait lui-m^eme pas 'etranger aux exercices po'etiques, et il 'ecrivit plus tard un po`eme sur la joute de Tarascon de 1449. Et si de quelque facon il connaissait notre auteur, il a pu aussi conna^itre sa capacit'e `a s'acquitter d'une telle t^ache.
Notre auteur, effectivement, est un assez bon versificateur, il observe avec rigueur dans chaque strophe le syst`eme des rimes, ce qui est chez lui une pr'eoccupation particuli`ere (str. 242). Cela montre que c''etait un homme cultiv'e et qu'il avait d'ej`a compos'e des oeuvres po'etiques. Lesquelles? On ne le sait pas, mais on peut dire avec certitude que d'ecrire des f^etes de chevalerie 'etait pour lui une nouveaut'e. Il se sent trop mal assur'e dans cette carri`ere et craint trop de dire les choses autrement qu'il faut. Il s'excuse de
Il ne s'agit pas ici d'humilit'e et d'autod'enigrement, si caract'eristiques des 'ecrivains m'edi'evaux, particuli`erement d''etat religieux, mais pr'ecis'ement de la peur de para^itre gauche et malhabile aux yeux des gens du monde;