Ses pensйes angoissantes avaient durй un instant, une minute а peine, aprиs quoi, Publius Lentulus continua d'une voix dйsespйrйe :
Je resterai deux jours de plus pour rechercher mon malheureux enfant ! Une fois ces quelques heures йcoulйes, je retournerai а Capharnaum pour affronter а nouveau le temps qui passe... Je resterai dans ce maudit dйcor, aussi longtemps qu'il le faudra. Quant а vous, Madame, recueillez-vous dйsormais dans votre propre indignitй, car cet йlan de gйnйrositй qui йpargne votre existence а cet instant, n'hйsitera pas а vous infliger l'ultime chвtiment le moment opportun venu !...
Et ouvrant la porte de sortie qui trembla aux grondements de tonnerre, il s'exclama d'une voix terrible :
Livia, ce moment douloureux marque l'йternelle sйparation de nos destinйes. N'osez pas franchir la frontiиre qui nous sйpare pour toujours l'un de l'autre, sous le mкme toit et dans cette vie, car un tel geste pourrait signifier votre sentence de mort sans appel.
Derriиre lui, la porte se referma avec fracas, йtouffйe par les grondements de la tempкte.
Jйrusalem йtait sous un vйritable cyclone de destruction qui allait laisser, aprиs son passage, des marques de ruine, de dйsolation et de mort.
Une fois seule, Livia pleura amиrement.
Tandis que l'atmosphиre йtait lavйe par une pluie torrentielle sous les coups de tonnerre, son вme aussi se dйpouillait des illusions amиres et purificatrices.
Oui... elle йtait seule et profondйment malheureuse.
Dйsormais, elle ne pourrait plus compter sur le soutien de son mari, ni sur la tendre affection de sa fillette, mais un ange de sйrйnitй veillait sur elle avec la douceur des sentinelles qui ne s'йloignent jamais de leur poste d'amour, de rйdemption et de compassion. Et ce fut cet Esprit lumineux, qui faisait couler le baume de l'espйrance dans le calice de son cњur angoissй qui lui fit sentir tout ce qu'elle possйdait encore : - le trйsor de la foi qui l'unissait а Jйsus, au Messie du renoncement et du salut qui l'attendait dans son royaume de lumiиre et de misйricorde.
■ A
L'APOTRE DE SAMARIE
Le lendemain, Publius Lentulus activa les recherches de son fils parmi les pиlerins prйsents aux festivitйs de la Pвque а Jйrusalem en offrant une rйcompense d'un grand sesterce6, soit deux mille cinq cents as, а celui qui prйsenterait а ses serviteurs l'enfant disparu.
Sйmйlй, tout comme ses compagnes de service, avait йtй soumise а un sйvиre interrogatoire lors de la punition infligйe aux serviteurs insouciants chargйs de la surveillance nocturne de la maison du sйnateur.
Publius n'admettait pas les punitions physiques faites aux femmes, mais face au mystиre de la disparition de son fils, il avait soumis les domestiques а un interrogatoire particuliиrement impitoyable.
Inutile de dire que Sйmйlй assura кtre tout а fait innocente et ne laissa rien transparaоtre qui aurait pu compromettre sa conduite.
Les trois servantes qui s'occupaient plus directement du petit, dont elle faisait partie, durent nйanmoins collaborer aux recherches de Marcus avec les esclaves sur les places et dans les rues de Jйrusalem, mкme si elles avaient chaque jour quelques heures а elles consacrйes au repos. Pendant ces heures, Sйmйlй en profitait pour visiter ou revoir des amis et passait presque tout son temps lа oщ Andrй cultivait des oliviers et une belle vigne, non loin de la route qui menait aux principaux centres.
Ce jour-lа, Sйmйlй discutait amicalement avec le ravisseur et sa femme, tandis que l'enfant dormait dans le coin d'une piиce.
Alors, le sйnateur offre une rйcompense d'un grand sesterce а celui qui lui rapportera l'enfant ? - demanda Andrй de Gioras, surpris.
Effectivement - rйpondit Sйmйlй pensive. - En rйalitй, il s'agit d'une trиs forte somme qu'aucun ne gagnerait facilement en ce monde.
Si mon dйsir de vengeance qui est juste et ardent n'йtait pas si fort - rйpliqua le ravisseur d'un sourire malveillant -, ce serait l'occasion d'aller empocher cette respectable somme. Mais nous n'avons pas besoin de cet argent. Du reste, nous n'avons besoin de rien venant de ces maudits patriciens !
Sйmйlй l'йcoutait indiffйrente et presque complиtement йtrangиre а la conversation, mais son interlocuteur ne perdait pas de vue les expressions physionomiques de sa complice comme s'il essayait de dйcouvrir dans ses maniиres simples quelques pensйes inavouables.
Ce fut ainsi que pour sonder ses sentiments, il dit sur un ton en apparence calme et insouciant comme s'il voulait connaitre ses intentions les plus secrиtes :
Sйmйlй, quelles sont les derniиres nouvelles de Benjamin ?
Et bien, Benjamin - rйpondit-elle en faisant allusion а son fiancй - ne s'est pas encore dйcidй а fixer la date de notre mariage, vu nos nombreuses difficultйs.
Comme vous ne l'ignorez pas, mon souhait le plus cher se rйsume а la rйalisation de notre idйal en faisant l'acquisition de cette maisonnette de Bйthanie que vous connaissez dйjа, et dиs que nous y arriverons, nous serons unis pour toujours.