En publiant l’article qui vous a déplu, j’ai voulu donner une preuve de mon libéralisme. Je dois même ajouter que M[onsieu]r Bouchémakine, que je n’ai pas l’honneur de conna’tre, m’a envoyé un nouvel article sur les correspondants de Marat. J’ai accepté cet article, bien que je ne sois pas d’accord avec l’auteur sur des points assez nombreux. Mais voilà que M[onsieu]r Bouchémakine, à ma grande surprise, m’envoie successivement deux cartes postales pour me demander de ne pas publier son article. Votre lettre me fait croire qu’on a fait peur au professeur de Kazan et que cette peur a brisé sa plume!
La suite de votre lettre me prouve que vous n’êtes plus capable de voir la vérité dns que votre gouvernement et votre parti sont en jeu.
Vous affirmez comme établies des choses absolument fausses. M[onsieu]r Herriot n’a jamais fait de propagande pour le boycottage économique de votre Révolution. C’est une calomnie ridicule que démentent toutes les paroles, tous les écrits, tous les actes de M[onsieu]r Herriot.
Vous affirmez que M[onsieu]r Tarlé, dont je m’honore d’être l’ami, devait être le ministre des affaires étrangères de la Contre-Révolution. J’ai sous les yeux la traduction française de l’Acte d’accusation dressé par ce Fouquier-Tinville de bas étage que j’appelle Krylenko. C’est sur la foi d’un Ramsine, étrange accusé que la prison a transformé en accusateur et qui n’hésite pas à faire parler les morts, a mis le nom de M[onsieu]r Tarlé (une première fois seul, une autre fois à coté de celui-ci de M[onsieu]r Milioukof) parmi ceux des futures ministres. Et cela vous suffit, à vous qui vous dites historien, pour que vous dites historien, pour que vous considériez M[onsieu]r Tarlé comme coupable. Vous ne songez pas un moment que le misérable Ramsine a pu user de ce nom sans le consentement de M[onsieu]r Tarlé, vous n’êtes pas frappé par l’invraisemblance de ce propos de table, vous ne remarquez pas que M[onsieu]r Tarlé n’est jamais cité une seule fois dans les réunions du soi-disant parti industriel, vous négligez délibérément tous le passé marxiste de l’homme qu’un misérable accuse sans le moindre commencement de preuve. Quiconque est nommé par le dénonciateur est pour vous un coupable! Quand je lis sous votre plume des affirmations aussi monstrueuses, je me dis que la passion politique vous a enlevé tout votre sens critique et je plains la malheureuse Russie.
Dès le premier jour, j’ai pris hautement la défense de M[onsieu]r Tarlé que je sais innocent parce que je connais ses pensées depuis longtemps. J’aurais été un lâfehe à mes yeux si je ne l’avais pas fait. Les débats du procès de Ramsine, la grâce qui l’a couronné m’ont prouvé que je ne me suis pas trompé et qu’aujourd’hui l’innocence n’est plus en sûreté dans votre pays qui gémit sous l’atroce oppression de contre-révolutionnaires peints en rouge.
Ce procès et d’autres qui suivront sans doute ont pour but de dériver sur de soi-disant conspirateurs la colère du peuple russe que l’échec certain du plan quinquennal risque de décha’her.
Les Machiavels qui tremblent en Kremlin n’hésitent pas à violer toute justice pour éviter le châtiment des masses qu’ils redoutent.
Vous osez comparer la situation actuelle de la Russie à la situation de la France en l’an II. Vous oubliez qu’en France la Terreur n’a duré qu’une année et qu’elle dure en Russie depuis 13 ans. Vous oubliez que la Terreur française, si courte qu’elle ait été, a suffi pour faire haïr du peuple de la République et retarder d’un sincle l’avnnement de la démocratie. Vous oubliez que la Terreur française se justifiait par des dangers réels. Le canon tonnait aux frontières. Les complets de l’intérieur n’étaient pas imaginaires. Dans la Russie actuelle, la guerre étrangère a disparu depuis 10 ans. Les complots sont l’nuvre du Gouvernement qui les invente pour faire durer sa tyrannie et accepter mes mensonges. Robespierre rappelait, pour les punir, les Carrier et les autres proconsuls couverts de crimes. Aujourd’hui les Carrier Russes sont récompensés et glorifiés.
Ne mêlez pas la science et le marxisme à une caricature abominable de notre grande Révolution! La science est aujourd’hui en Russie au service du mensonge et le marxisme y est mis en prison dans la personne de M[onsieu]r Tarlé et de bien d’autres, plus illustres, comme Trotsky [sic], Rakowsky, Préobrajenski etc., etc.
Les savants russes qui ne sont pas encore en exil ou en prison auraient pu peut-être essayer d’empêcher ces saturnales sans excuse. Ils ont préféré la plupart se mettre à la remarque et au service des ma’tres momentanés du Kremlin.