L'hérédité: cela signifie qu'une âme, en début de parcours, est influencée pour un quart par la qualité des gènes, la qualité de l'éducation, le lieu de vie, la qualité du milieu de vie déterminé par ses parents.
Le karma: cela signifie qu'une âme, en début de parcours, est influencée pour un quart par des éléments qui subsistent de sa vie précédente, désirs inassouvis, erreurs, blessures, etc., qui hantent toujours son inconscient.
Le libre arbitre: cela signifie qu'une âme, en début de parcours, décide pour moitié librement ce qu'elle fait sans aucune influence extérieure.
25 %, 25 %, 50 %, telles sont les proportions de départ. Avec ses 50 % de libre arbitre, un être peut ensuite modifier cette recette. Soit il peut s'affranchir de l'influence de son hérédité en se soustrayant très jeune à l'emprise de ses parents. Soit il peut s'affranchir de son karma en refusant de tenir compte de ses pulsions inconscientes. Ou, au contraire, il peut renoncer à son libre arbitre en acceptant de n'être que le jouet de ses parents et de son inconscient.
Ainsi la boucle est bouclée. Paradoxe suprême, l'homme peut même avec son libre arbitre renoncer à… son libre arbitre.
Edmond Wells,
9. TROIS CONCEPTIONS: NAISSANCE - 9 MOIS
Je contemple cette humanité en pleine effervescence. Si j'ai bien compris, en choisissant parmi ces couples, je vais décider des 25 % d'hérédité des êtres dont j'aurai la charge.
Je plane au-dessus du lac des Conceptions. Je passe en revue les écrans. Il y a là des couples représentant tous les continents, tous les pays, tous les peuples.
Certains s'étreignent sur des lits, d'autres gesticulent sur des tables de cuisine, dans des cabines d'ascenseur, sur des plages, derrière des fourrés…
Images étranges que celles de ces gens saisis dans cet instant censé être parmi les plus secrets et les plus intimes. Comment choisir? Habitué à laisser parler mon intuition, je m'arrête finalement sur un duo dont les mouvements ont quelque chose d'harmonieux. L'homme est brun, le visage pâle et grave. La femme est brune aussi, cheveux longs, l'air gentil. Je les désigne du doigt.
– Ceux-là, dis-je.
Edmond Wells m'informe qu'il s'agit d'une famille
française de Perpignan. Les Nemrod. Des libraires moyennement riches. Famille nombreuse. Quatre filles. Plus un chat. Mon instructeur frappe légèrement l'écran pour signaler que cette conception est réservée.
– Ainsi plus aucun autre ange ne pourra te l'enlever.
Il examine ensuite l'ADN des concepteurs et me transmet le résultat:
– Mmm…
– Quoi?
– Rien de grave. Maladies respiratoires côté géniteur. Il va toussoter.
– Et côté génitrice? Mon mentor se livre au même travail.
– Cheveux roux.
Il projette dans mon esprit la vision accélérée de la rencontre du spermatozoïde et de l'ovocyte. Je vois ainsi vingt-trois chromosomes masculins s'allier à vingt-trois chromosomes féminins.
– Et ce sera une fille ou un garçon?
Il scrute la fusion des deux gamètes et annonce:
– XY, ce sera un garçon. Passons au suivant.
Je cherche longuement et finis par élire un couple à la peau de miel. Ils sont tous deux si beaux dans leur nudité que de leur accouplement ne pourra naître qu'un superbe bébé.
– Des Noirs américains de Los Angeles, m'indique Edmond Wells.
Mère mannequin, père acteur. La famille Sheridan. Aisée. Grande bourgeoisie. Ce sera leur premier enfant, très désiré car pour parvenir à concevoir la mère a subi un traitement dans un service spécialisé après avoir longtemps redouté de demeurer stérile. ADN des concepteurs plus que satisfaisant. Pas de handicap physique.
– XX, ce sera une fille.