Читаем L'Empire des anges полностью

Il ne perçoit pas mon mouvement et continue de remonter son pied conformément à son intention initiale. Je saisis sa chaussure, poursuis son mouvement et le propulse en l'air. Il retombe lourdement. Je me précipite sur lui. Corps à corps. Il me mord. Je sors mon couteau, il tire le sien. Nous sommes comme deux fauves enragés ferraillant avec notre croc unique. Sensations et informations affluent dans mon cerveau. Mon cœur s'accélère. Mes narines cherchent l'air. J'aime ça.

Dans mes oreilles résonne puissamment la Nuit sur le mont Chauve de Modest Moussorgski, Mon adversaire hurle pour se redonner de la force. Son cri entre en harmonie avec ma musique.

Duel au couteau.

Coup de genou. Le sien s'envole. Il saisit son revolver.

Toujours pas assez rapide pour m'inquiéter. D'un mouvement du poignet, je lui arrache son arme. La retourne contre lui. Le contraint à appuyer sur sa propre détente. Le coup part. Il y a un trou dans sa veste de coton vert.

Il n'a pas été assez rapide. Il est mort.

<p>107. JACQUES</p>

Mes scènes de batailles entre rats dans les égouts ne me satisfont pas. Elles ne sont pas crédibles. Je ne me sens pas là-bas, quand je relis mon texte.

Soudain, j'entends une phrase résonner dans ma tête, comme soufflée par un ange. Elle dit: «Montrer plutôt qu'expliquer.»

Je dois placer sans cesse mes héros en action. Leur psychologie sera définie par leur comportement et non par leurs dialogues. J'étudie davantage les rats.

Ça n'est pas encore suffisant. Il faut les connaître à fond, sinon le public sentira les incohérences. Je descends chez l'animalier et achète six rats. Quatre mâles et deux femelles. La seule manière de ne pas tricher, c'est d'observer vraiment le réel.

Mon chat voit arriver ces visiteurs aux incisives menaçantes d'un œil torve. Je ne sais pas s'il se souvient que c'est lui qui est censé les chasser, mais à considérer son comportement on aurait plutôt l'impression que c'est le contraire.

Mes six nouveaux convives n'ont pas besoin de nager pour obtenir leur pitance, pourtant je m'aperçois vite que les rôles de chacun ont été attribués. Un mâle teiTorise tout le monde et une rate sert de souffre-douleur.

J'hésite, mais n'ose intervenir. Nous ne sommes pas dans un film de Walt Disney. Si dans la nature tout le monde n'est pas gentil, ce n'est pas en forçant les règles que je changerai le comportement d'une espèce.

J'essaie donc d'observer de façon neutre et de noter avec précision ce que je vois et la manière dont les conduites peuvent être interprétées. En faisant le moins possible d'anthropomorphisme. Mes notes alimentent mes textes.

Pour rajouter à l'effet visuel, je dessine leurs faces. Les croquis s'accumulent. Je place mentalement une caméra qui détermine les angles de prises de vues. J'indique sur mes dessins les travellings, les zooms, les panneaux. Cela m'aide énormément. À présent dans mes batailles, si littéraires soient-elles, il y a des gros plans de museaux de rats montrant les dents et des panoramiques sur les bords des égouts. La caméra se glisse entre les combattants pour les saisir dans les moments les plus forts. De même, je me débrouille pour que les transitions se fassent sur des images raccords.

Je développe une écriture particulière, une écriture en images. Je règle les batailles aquatiques dans les canalisations comme une chorégraphie d'Esther Williams s'ébattant avec ses compagnes dans une piscine d'azur. Mais ici les eaux sont verdâtres, opaques, elles charrient des ordures ménagères et rougissent au fur et à mesure de l'intensité des combats. À l'aide de flèches et de pointillés, je dirige les mouvements de mes armées de rats et les interventions de mes héros dans la grande bataille centrale de mon roman.

<p>108. VENUS</p>

Mon petit tour sur scène achevé, je reste à attendre que toutes les autres filles aient fini de défiler. Deux ou trois me semblent plus jolies que moi. Pourvu que les jurés ne votent pas pour elles. Si seulement je pouvais leur faire quelques crocs-en-jambe pour qu'elles chutent du haut de leurs talons aiguilles et se tordent le cou! Elles ont l'air de hérons prétentieux. Elles se déhanchent de façon éhontée. Pour qui se prennent-elles à la fin? Je les hais. Je m'imagine ravageant leurs visages de mes ongles effilés.

Il faut que je gagne.

Je prie pour décrocher le titre de Miss Univers. Si quelqu'un m'entend là-haut, je le supplie d'intervenir pour moi.

<p>109. VOL COSMIQUE. INQUIETUDES</p>

– Attention, prêts? Tribord toute! entonne Raoul, reprenant son rôle de chef d'escadrille.

L'excitation me gagne et, pourtant, je ne peux m'empêcher de penser à mes clients. Où en sont-ils à cette seconde? Je suis trop éloigné d'eux pour percevoir leurs appels ou leurs prières.

Raoul se rend compte de mon trouble et pose une main sur mon épaule.

– T'inquiète pas, vieux, rien n'est jamais catastrophique. Les humains, ils sont comme les chats. Ils finissent toujours par retomber sur leurs pattes.

<p>110. IGOR</p>
Перейти на страницу:

Похожие книги

Книжный вор
Книжный вор

Январь 1939 года. Германия. Страна, затаившая дыхание. Никогда еще у смерти не было столько работы. А будет еще больше.Мать везет девятилетнюю Лизель Мемингер и ее младшего брата к приемным родителям под Мюнхен, потому что их отца больше нет – его унесло дыханием чужого и странного слова «коммунист», и в глазах матери девочка видит страх перед такой же судьбой. В дороге смерть навещает мальчика и впервые замечает Лизель.Так девочка оказывается на Химмель-штрассе – Небесной улице. Кто бы ни придумал это название, у него имелось здоровое чувство юмора. Не то чтобы там была сущая преисподняя. Нет. Но и никак не рай.«Книжный вор» – недлинная история, в которой, среди прочего, говорится: об одной девочке; о разных словах; об аккордеонисте; о разных фанатичных немцах; о еврейском драчуне; и о множестве краж. Это книга о силе слов и способности книг вскармливать душу.

Маркус Зузак

Современная русская и зарубежная проза
Адам и Эвелин
Адам и Эвелин

В романе, проникнутом вечными символами и аллюзиями, один из виднейших писателей современной Германии рассказывает историю падения Берлинской стены, как историю… грехопадения.Портной Адам, застигнутый женой врасплох со своей заказчицей, вынужденно следует за обманутой супругой на Запад и отважно пересекает еще не поднятый «железный занавес». Однако за границей свободолюбивый Адам не приживается — там ему все кажется ненастоящим, иллюзорным, ярмарочно-шутовским…В проникнутом вечными символами романе один из виднейших писателей современной Германии рассказывает историю падения Берлинской стены как историю… грехопадения.Эта изысканно написанная история читается легко и быстро, несмотря на то что в ней множество тем и мотивов. «Адам и Эвелин» можно назвать безукоризненным романом.«Зюддойче цайтунг»

Инго Шульце

Проза / Современная русская и зарубежная проза / Современная проза