Il est certain que Pompée ne prit rien pour lui, et qu’il se borna à faire payer aux Juifs les frais de son expédition, qui avait été un accessoire de sa campagne principale en Asie Mineure. Cicéron loue ce désintéressement; mais Rollin (Histoire Romaine, livre 16) dit que rien ne réussit désormais à Pompée, à cause de la curiosité sacrilège qu’il avait eue de pénétrer dans le sanctuaire du temple juif. Voltaire réplique à Rollin que Pompée ne pouvait guère savoir s’il était défendu d’entrer là; que la défense pouvait être pour les Juifs, et non pour Pompée; que les charpentiers, les menuisiers, les autres ouvriers y entraient, quand il y avait quelque réparation à faire. On pourrait ajouter que c’était autrefois la présence de l’arche qui rendait ce lieu sacré, et que cette arche divine était perdue depuis Nabuchodonosor. César serait entré tout aussi bien que Pompée dans cet endroit de trente pieds de long et aurait certainement eu la même curiosité d’y regarder. Si donc Pompée fut vaincu par César à la bataille de Pharsale, il se peut que ce fut pour avoir été curieux à Jérusalem; mais il y eut sans doute d’autres raisons aussi de cette défaite, et le génie de César y contribua beaucoup. On pourrait encore observer que c’est un bien plus grand sacrilège d’égorger douze mille hommes dans un temple que d’entrer dans une sacristie où il n’y avait rien du tout. (Voltaire, Sommaire de l’histoire juive)
Au surplus, Pompée, ayant pris Aristobule, l’envoya captif à Rome. En outre, dans le courant de l’année 49 (av. J.-C.), il ordonna à un descendant des Scipions, son lieutenant en Syrie, de faire couper le cou au fils aîné d’Aristobule, qui avait pris le nom d’Alexandre et le titre de roi. Cet événement achève de faire voir quelle était l’alliance de couronne à couronne que les Juifs se vantaient d’avoir avec les Romains, et quel fond on peut faire sur les récits des historiens de cette nation. Enfin, pour mettre la dernière main à ce tableau, et pour montrer de quel respect l’empire romain était pénétré pour les Juifs, il suffira de dire que, quelques années après (38), le triumvir Marc-Antoine condamna dans Antioche un autre roi juif, le second fils d’Aristobule, nommé Antigone, à mourir du supplice des esclaves; il le fit fouetter et crucifier.
Ce fut alors que le Sénat accorda le titre de roi à l’Iduméen Hérode, fils d’Antipator, procurateur de la Judée, qui épousa Marianme, fille d’Hyrcan II, et régna environ quarante ans, sous la protection de Rome, tenant ses sujets hébreux courbés sous son sceptre de fer.
Ainsi finit l’Ancien Testament. Notre tâche d’aujourd’hui est accomplie. Dans quelque temps, nous publierons une nouvelle édition de la Vie de Jésus, qui parut il y a seize années; notre ancienne Bible Amusante, qui précéda alors cette critique humoristique du Nouveau Testament, était un simple jeu, une série de plaisanteries accompagnant les désopilants dessins de notre ami Frid’Rick. Alors, le cléricalisme paraissait définitivement réduit à l’impuissance, et il ne nous restait plus qu’à aller explorer le camp des vaincus, pour connaître par nous-même et pouvoir dire un jour quelle part il convient de faire à la bonne foi des derniers défenseurs du dogme; nous voulions voir de près si l’autel tombant en ruines compte vraiment des prêtres croyant ce que leur Église enseigne. C’est à la faveur d’une mystification poussée aux extrêmes limites que nous avons réussi à faire cette curieuse expérience.
Mais, avant d’en publier les résultats, il nous a paru nécessaire — le parti clérical relevant la tête — de reprendre en main cet album de dessins comiques de notre ancien collaborateur et de refaire une critique générale, complète cette fois, de ce monument de bêtise abrutissante qui s’appelle la Bible. En terminant, disons un mot, qui étonnera bien nos lecteurs libres-penseurs, mais qui est l’expression de la vérité constatée par notre enquête personnelle de onze années: si idiote que soit la Bible, il y a des prêtres, et même des prêtres intelligents, qui, de bonne foi, la croient vraie, authentique, et dont l’esprit n’est déconcerté par aucun des récits les plus fantastiques des fumistes auteurs de l’Ecriture Sainte; non seulement ces extraordinaires naïfs croient que la baleine a avalé Jonas, mais encore ils croiraient que Jonas a avalé la baleine, — si le divin pigeon l’avait dicté à quelque soi-disant prophète.
Conclusion: la foi religieuse est une variété de la folie.