David fouilla dans les photocopies des notes dressées par les inspecteurs. Inventaire du contenu de la cave... Quarante- cinq revues pornographiques. Sadomasochisme, fétichisme, zoophilie, bondage. Divers instruments sexuels, du gode aux bracelets en cuir. Puis, un banc de développé couché, un autre à abdominaux, une presse à jambes, cent trente-cinq kilos de fonte, en disques de un, deux, cinq et dix kilos... Quatre bouteilles d’eau minérale, dont trois vides. Et, entre autres... un tube d’Osmogel acheté la semaine précédente – il était même noté l’adresse de la pharmacie –, entamé au quart. Utilisé pour le soulagement musculaire.
David se mouilla les lèvres du bout de la langue et plongea le nez dans les feuilles du rapport d’autopsie. Pesée, puis dissection du cœur. Il balaya la rubrique plusieurs fois. Ventricule gauche... Oreillette droite... Valves, aorte... Nulle part, on ne parlait de souffle au cœur ou de déformation du myocarde. Un « détail » qui n’aurait certainement pas échappé aux yeux d’un légiste.
Bourne s’entraînait chaque jour, dans sa cave. Et Bourne n’avait jamais eu de problème cardiaque, comme il le prétendait.
David sentit sa gorge se resserrer. Il tenait enfin quelque chose.
Il leva un regard craintif lorsque craqua une lame de plancher, dans le couloir. Il éteignit prestement sa lumière et se glissa sous ses draps, retenant son souffle.
Plus rien. Fausse alerte. Il ralluma, le front trempé. Il s’empara des bristols vert pomme. Tout premier bilan d’Arthur. Première rencontre avec Bourne. Ecriture calme et appliquée.
Les autres fiches reprenaient plus ou moins la même thématique. Cette histoire de greffe. La manie des chiffres. La volonté de tout peser, de dénombrer. Et la peur grandissante de se déplacer, par souci d’économiser ses propres battements cardiaques.
David se plaqua les mains sur le visage et expira bruyamment. Durant tous ces entretiens, Bourne avait menti à Doffre.
Et, à la vue du rapport d’autopsie, des notes des policiers, Doffre l’avait forcément découvert. Qu’avait-il alors ressenti ? De la colère ? De la rancœur ?
Pour quel motif Bourne était-il allé le voir, dans ce cas ? Pourquoi avoir inventé cette incroyable histoire de battements détraqués ? Pourquoi un psychologue ?
Pourquoi Arthur Doffre ?
C’était incompréhensible. Purement et simplement incompréhensible. La théorie des pulsations cardiaques sur les crânes des enfants semblait pourtant si plausible ! À présent, tout s’effondrait. Retour à la case départ.
David revint aux photocopies des notes concernant l’environnement de l’assassin. Petit pavillon, gazon parfaitement entretenu et coupé à ras – le souci de la précision –, dans un quartier tranquille. Très peu de meubles, une télévision, une radio, des piles de quotidiens. Une maison des plus normales pour un célibataire, et une hygiène de vie soignée. Poubelles toutes vides, lit fait au carré. Dans sa chambre, la balance de Roberval et la plume de Mâat. Aidés de Luminol, les techniciens de la police scientifique avaient réussi à détecter, sur les plateaux en cuivre, du sang vieux de plusieurs mois, appartenant au même groupe que celui de la dernière victime, Patricia Böhme. Les outils de torture, les cordes et les bougies servant à asphyxier ses proies étaient précieusement étalés sur une table basse, tous orientés dans la même direction, bien parallèles, et positionnés à proximité du lit. Probablement un moyen de prolonger les fantasmes, de ramener les cadavres sous ses draps.
Contrairement à la plupart des tueurs en série, Bourne n’était pas un collectionneur. Aucune photographie, nul souvenir – mèche de cheveux, bijoux, partie corporelle – de ses victimes. Entre ses crimes, sa jouissance passait uniquement par la vision de ses instruments. Et la préparation de son carnage suivant.