Si l’on pouvait encore épargner un malheur, ce ne pouvait être qu’en agissant avec la promptitude de l’éclair. Seule une répression féroce et sanglante pouvait étouffer la révolte dans l’oeuf. Et il ne pouvait être question de se demander s’il valait mieux anéantir une centaine de mutins, de traîtres et de conspirateurs ou laisser tuer d’un côté de la barricade dix mille innocents S.A. et de l’autre côté dix mille autres innocents. Car si le mouvement du criminel Ernst avait pu se déclencher à Berlin, les conséquences en eussent été incalculables. Comme les mutins s’étaient servis de mon nom, ils avaient réussi entre autres à obtenir d’officiers de police sans défiance la livraison de quatre auto-mitrailleuses...
A 1 heure dans la nuit j’avais reçu les dernières nouvelles. A 2 heures du matin, je volais vers Munich. Le ministre-président Goering avait entre-temps reçu l’ordre d’agir, de son côté, à Berlin et en Prusse. Avec son poing d’acier, il a brisé l’attaque contre l’Etat national-socialiste avant même que cette attaque ait eu lieu. »
Les mutineries se jugent par leurs propres lois. Si quelqu’un me demande pourquoi nous n’avons pas eu recours aux tribunaux réguliers, je lui répondrai ceci : à cette heure, j’étais responsable de la nation allemande et en conséquence, c’est moi qui, pendant ces vingt-quatre heures, étais, à moi seul, la Cour suprême de justice du peuple allemand. Dans tous les temps d’ailleurs on a décimé les mutins. Un seul pays n’a pas fait usage de cette disposition de son code militaire et c’est pourquoi ce pays a été brisé et vaincu, ce pays c’est l’Allemagne. Je ne voulais pas exposer le jeune Reich au destin de l’ancien.
J’ai donné l’ordre de fusiller les principaux coupables et j’ai donné l’ordre aussi de cautériser les abcès de notre empoisonnement intérieur et de l’empoisonnement étranger, jusqu’à brûler la chair vive. J’ai également donné l’ordre de tuer aussitôt tout rebelle qui lors de son arrestation, essaierait de résister. La nation doit savoir que son existence ne peut être impunément menacée par personne et que quiconque lève la main contre l’Etat, en meurt. De même chaque national-socialiste doit savoir qu’aucune situation ne le mettra à l’abri de ses responsabilités et par conséquent du châtiment...
Un diplomate étranger déclare que sa rencontre avec Schleicher et Roehm était de nature tout à fait inoffensive. Je n’ai à discuter avec personne cette question. Les opinions sur ce qui est inoffensif ou ne l’est pas ne pourront jamais coïncider en politique. Mais, quand trois hommes coupables de haute trahison organisent une rencontre en Allemagne avec un homme d’Etat étranger, rencontre qu’ils qualifient eux-mêmes de rencontre de « service », quand ils écartent les domestiques et donnent des ordres rigoureux pour que je ne sois pas tenu au courant de cette rencontre, je fais fusiller ces hommes, même s’il est exact que dans ces conversations si secrètes l’on n’ait parlé que du beau temps, de vieilles monnaies et d’autres choses semblables.
La rançon de ces crimes a été sévère : 19 chefs supérieurs des Sections d’Assaut, 31 chefs des Sections d’Assaut et membres de ces sections ont été fusillés. De même 3 chefs des Sections Spéciales de protection (S.S.) qui avaient participé au complot 13 chefs des Sections d’Assaut ou des civils ont perdu la vie en essayant de résister lors de leur arrestation. 2 autres se sont suicidés. 5 membres du Parti qui n’appartenaient pas à la S.A. ont été fusillés pour leur participation au complot. Enfin, furent encore fusillés trois S.S. qui s’étaient rendus coupables de mauvais traitement envers des prisonniers.
L’action est terminée depuis le dimanche 1er juillet dans la nuit. Un état normal est rétabli. Une série d’actes de violence qui n’avaient rien à voir avec cette action seront déférés aux tribunaux normaux...
J’espérais qu’il ne serait plus nécessaire de défendre cet Etat les armes à la main. Puisqu’il n’en a pas été ainsi, nous nous félicitons tous d’avoir été assez fanatiques pour avoir maintenu dans le sang ce qui avait été acquis par le sang de nos meilleurs camarades...
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{1} André François-Poncet, Souvenirs d’une ambassade à Berlin, Paris, 1946.
{2} André François-Poncet : Souvenirs d’une ambassade à Berlin. Paris, 1946.
{3} Il sera rétabli par Hitler en octobre 1933.
{4} Essentiellement pour les scènes concernant l’arrivée de Hitler à Tempelhof nous utilisons Gisevius, Jusqu’à la lie, Paris, 1948, tome I, page 183 et suivantes.