Читаем Le Grec полностью

Elle avait un immense nez crochu et le fard de ses lèvres débordait sur son menton. Ses yeux étincelaient, soulignés par des traits charbonneux de rimmel. Les hardes qui la recouvraient étaient ridicules. Par le corsage entrouvert, on distinguait l'amorce de l'attache d'un soutien-gorge. Les jambes aux gros mollets étaient revêtues de bas de laine de couleur noire. Toujours riant, le matelot se leva et vint se lover contre la vieille. Il était plus grand qu'elle d'une bonne demi-tête. Ils se lancèrent dans des figures compliquées et anachroniques, tourbillonnant, croisant leurs pas, ployant à tour de rôle jusqu'au sol en sens inverse de leur rotation. Nut battit des mains :

« Bravo! Je vous déclare hors concours tous les deux! »

Le matelot se pencha sur la vieille et lui murmura avec ravissement :

« Oh! Socrate! Vous êtes trop drôle!

— Ça vous plaît, mon cher petit garçon?

— C'est fantastique. »

La vieille conclut d'un ton plus grave :

« Vous voyez bien que j'ai gagné! Vous savez, Peggy, vous êtes faite pour la vie. Pas pour le deuil ni les larmes. »

La nuit de mai était un peu fraîche, mais la soirée avait lieu sur le pont du Pégase. Elle serait la dernière. Le lendemain, Peggy devait retourner dans sa prison dorée américaine. Depuis la mort de Scott, la nation entière avait transféré sur elle l'espoir et la foi qu'elle avait placés en son futur président. Il n'était plus question de considérer sa veuve comme une femme, mais comme un symbole.

Peggy se serait bien passée d'une telle étiquette. Désormais, tout ce qui faisait sa joie de vivre avait été rayé de son emploi du temps. Plus question d'aller passer des heures dans les boutiques des grands couturiers, de donner des soirées folles avec des gens marrants ou extraordinaires, de flâner dans les rues ou, plus bêtement, de se faire accompagner par un ami à un spectacle. Elle qui avait incarné un certain esprit d'avant-garde en était réduite à se faire raconter par des tiers ce qui se passait dans sa propre ville! Les rares fois où elle s'était aventurée dans les rues sans escorte, il avait fallu que la police la dégage. Des excités lui faisaient cortège, soit pour lui jurer qu'ils vengeraient son mari, soit pour lui demander de préparer la relève en éduquant son fils en futur homme d'État. Quant à sa belle-famille, elle semblait trouver normal que Peggy ne soit qu'une vestale dédiée au culte du souvenir. Par ailleurs, eût-elle souhaité se dégager de sa tutelle qu'elle ne l'aurait pu. On lui avait fait comprendre à plusieurs reprises que la vie politique exigeait une attitude de vie politique. On n'était pas allé jusqu'à lui proposer de s'immoler sur le bûcher funéraire de son époux, comme c'est la coutume en Inde où les veuves n'existent pas, mais c'était tout comme. La seule personne qui soutenait Peggy moralement dans cette épreuve qui ne devait pas comporter de fin, c'était Nut. Nut la faisait rire, Nut chassait les miasmes morbides de ses souvenirs affreux. Nut la considérait comme une femme. Et, surtout, Nut lui parlait de Satrapoulos. L'armateur était venu lui rendre visite très souvent, chargé de cadeaux somptueux, délicat, attentionné, discret. Mais le luxe de précautions dont s'entouraient ces visites gâchait le plaisir qu'elles auraient dû amener. Dans Park Avenue, pour pénétrer dans l'immeuble de Peggy, il fallait maintenant montrer patte blanche à des gorilles des services secrets s'échelonnant pratiquement à tous les étages et massés en grappes sur le palier du penthouse. A deux reprises, Peggy avait réussi à s'éclipser en revêtant un déguisement de femme de ménage qui avait trompé les journalistes guettant en permanence ses allées et venues. Et ç'avait été le soleil, la liberté! D'un coup d'aile, elle se retrouvait dans la fracassante lumière des îles grecques, presque nue, — sans protocole, sans avoir à contrôler ses propos, avec pour compagnon un homme qui la déchargeait de toutes ses responsabilités, du moindre de ses soucis, qui semblait penser à tout pour elle. La puissance est une bonne chose, quand elle ne s'étend pas au point d'excès où celui qui la détient se transforme en esclave de ses esclaves. A bord du Pégase, il n'y avait qu'à se laisser vivre et choyer. Ces deux escapades — les seules depuis son veuvage — lui avaient laissé une telle nostalgie qu'elle avait commis l'imprudence de les relater à ses jeunes beaux-frères. Ils avaient eu la même réaction que Scott :

« Comment peux-tu te compromettre avec ce métèque parvenu? »

Aujourd'hui, pour la troisième fois en cinq ans, elle jouissait de cette fugue que lui avait aménagée le Grec avec la complicité de Nut. Comme Socrate lui servait à boire, elle lui glissa dans un soupir :

« J'aimerais finir mes jours sur ce bateau fabuleux… »

Le Grec faillit lui répondre que cela ne tenait qu'à elle, mais il s'en abstint, préférant se cantonner dans une formule vague :

« Avec ou sans moi, il est à votre entière disposition. »

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