Читаем Le Lis et le Lion полностью

— Je jure, prononça Robert, que la comté d’Artois est mienne et que je produirai lettres et témoignages qui établiront mes droits et possessions.

— Mon beau neveu, s’écria Mahaut, osez-vous jurer que telles lettres vous les avez jamais vues ou possédées ?

Yeux gris dans yeux gris, mentons carrés chargés de graisse, et presque visage contre visage, ils se défiaient. « Gueuse, pensa Robert, c’est donc bien toi qui les as volées. » Et comme, en de telles circonstances, il faut être déterminé, il répondit clairement :

— Oui, je le jure. Mais vous, ma belle tante, osez-vous jurer que telles lettres n’ont point existé, et que vous n’en avez jamais eu connaissance ni possession en vos mains ?

— J’en fais serment, répondit-elle avec une égale détermination et en regardant Robert avec une égale haine.

Aucun d’eux n’avait pu vraiment marquer un point sur l’autre. La balance demeurait immobile, avec, dans chaque plateau, le poids du faux serment qu’ils s’étaient obligés mutuellement à prononcer.

— Dès demain, commissaires seront nommés pour mener enquête et éclairer ma justice. Qui a menti sera châtié par Dieu ; qui a dit vrai sera établi dans son droit, dit Philippe en faisant signe à l’évêque d’emporter l’Évangile.

Dieu n’est pas obligé d’intervenir directement pour punir le parjure, et le Ciel peut rester muet. Les mauvaises âmes recèlent en elles-mêmes la suffisante semence de leur propre malheur.

DEUXIÈME PARTIE

LES JEUX DU DIABLE

I

LES TÉMOINS

Toute jeunette, et pas plus grosse encore que le pouce, une poire pendait hors de l’espalier.

Sur le banc de pierre, trois personnages étaient assis ; le vieux comte de Bouville, au centre, qu’on interrogeait, et, à sa droite, le chevalier de Villebresme, commissaire du roi, et de l’autre côté le notaire Pierre Tesson qui prenait la déposition par écrit.

Le notaire Tesson portait bonnet de clerc sur un énorme crâne en dôme d’où tombaient des cheveux plats ; il avait le nez pointu, le menton exagérément long et effilé, et son profil faisait penser au premier quartier de la lune.

— Monseigneur, dit-il avec grand respect, puis-je à présent vous lire votre témoignage ?

— Faites, messire, faites, répondit Bouville.

Et sa main se dirigea, tâtonnante, vers le petit fruit vert dont il éprouva la dureté. « Le jardinier aurait dû veiller à rattacher la branche », pensa-t-il.

Le notaire se pencha vers l’écritoire posée sur ses genoux et commença :

— Le dix-septième jour du mois de juin de l’an 1329 nous, Pierre de Villebresme, chevalier…

Le roi Philippe VI n’avait pas laissé les choses traîner. Deux jours après l’esclandre d’Amiens et les serments prononcés dans la cathédrale, il avait nommé une commission pour instruire l’affaire ; et moins d’une semaine après le retour de la cour à Paris, l’enquête était déjà commencée.

— … et nous, Pierre Tesson, notaire du roi, sommes venus ouïr…

— Maître Tesson, dit Bouville, êtes-vous le même Tesson qui se trouvait précédemment attaché à l’hôtel de Monseigneur Robert d’Artois ?

— Le même, Monseigneur…

— Et à présent vous voici notaire du roi ? Fort bien, fort bien, je vous en complimente…

Bouville se redressa un peu, croisa les mains par-dessus son ventre rond. Il était vêtu d’une vieille robe de velours, trop longue et démodée, comme on en portait au temps de Philippe le Bel, et qu’il usait dans son jardin.

Il se tournait les pouces, trois fois dans un sens, trois fois dans l’autre. La journée serait belle et chaude, mais la matinée gardait encore quelque trace des fraîcheurs de la nuit…

— … sommes venus ouïr haut et puissant seigneur le comte Hugues de Bouville, et l’avons entendu en le verger de son hôtel sis non loin le Pré-aux-Clercs…

— Comme le voisinage a changé depuis que mon père a fait construire cette demeure, dit Bouville. En ce temps-là, depuis l’abbaye Saint-Germain-des-Prés jusqu’à Saint-André-des-Arts, il n’y avait guère que trois hôtels : celui de Nesle, sur le bord de la rivière, celui de Navarre, en retrait, et le second séjour des comtes d’Artois qui leur servait de campagne, car autour ce n’étaient encore que prés et champs… Et voyez à présent comme tout s’est bâti !… Toutes les fortunes neuves ont voulu s’établir de ce côté ; les chemins sont devenus des rues. Jadis, par-dessus mon mur, je ne voyais que des herbages ; et maintenant, par le peu de lumière que mes yeux ont encore, je n’aperçois que des toits. Et le bruit ! Le bruit qui se fait dans ce quartier ! On se croirait tout juste au cœur de la Cité. Si j’avais encore un peu d’âge devant moi, je vendrais cette maison et ferais bâtir ailleurs. Mais en est-il seulement question…

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