Читаем Le Lis et le Lion полностью

Villebresme échangea un nouveau regard lassé avec le notaire.

— … revêtu du sceau des pairs, répéta-t-il pour faire plaisir au témoin. Vous certifiez encore que ce traité excluait de l’héritage la comtesse Mahaut, et qu’il disparut des registres de sorte qu’il ne put être produit au procès qu’intenta Monseigneur Robert d’Artois à sa tante. Qui pensez-vous donc qui l’ait fait soustraire ? Croyez-vous que ce soit le roi Philippe le Bel qui en ait donné l’ordre ?

La question était perfide. N’avait-on pas dit bien souvent que Philippe le Bel, pour avantager la belle-mère de ses deux derniers fils, avait rendu en sa faveur un jugement de complaisance ? Bientôt on irait prétendre que c’était Bouville lui-même qui avait été chargé de faire disparaître les pièces !

— Ne mêlez pas, messire, la mémoire du roi le Bel, mon maître, à un acte si vilain, répondit-il avec dignité.

Par-dessus les toits et les frondaisons, les cloches sonnèrent au clocher de Saint-Germain-des-Prés. Bouville pensa que c’était l’heure à laquelle on lui apportait une écuelle de fromage caillé ; son physicien lui avait recommandé d’en prendre trois fois le jour.

— Donc, reprit Villebresme, il faut bien que le traité ait été enlevé à l’insu du roi… Et qui pouvait avoir intérêt à ce qu’il fût dérobé, sinon la comtesse Mahaut ?

Le jeune commissaire tapota du bout des doigts la pierre du banc ; il n’était pas mécontent de sa démonstration.

— Oh ! certes, fit Bouville, Madame Mahaut est capable de tout.

Sur ce point, sa conviction ne datait pas de la veille. Il savait Mahaut coupable de deux crimes, et bien autrement graves qu’un vol de parchemins. Elle avait tué, assurément, le roi Louis X ; elle avait tué, sous ses yeux à lui, Bouville, un enfant de cinq jours qu’elle pensait être le roi posthume… et toujours pour garder sa comté d’Artois. Vraiment, c’était un souci bien sot que de se faire à son sujet scrupule d’exactitude ! Elle avait volé le contrat de mariage de son frère, certainement, ce contrat dont elle avait le front de nier, et par serment, qu’il eût jamais existé ! L’horrible femme… À cause d’elle, le véritable héritier des rois de France grandissait loin de son royaume, dans une petite ville d’Italie, chez un marchand lombard qui le croyait son fils… Allons ! Il ne fallait pas penser à cela. Bouville avait naguère versé ce secret, qu’il était seul à détenir, dans l’oreille papale. Ne plus y penser, jamais… de peur d’être tenté d’en parler. Et puis, que ces enquêteurs s’en aillent, au plus vite !

— Vous avez raison, laissez ce que vous avez écrit, dit-il. Où dois-je signer ?

Le notaire tendit la plume à Bouville. Celui-ci distinguait mal le bord du papier. Son paraphe sortit un peu de la feuille. On l’entendit encore marmonner :

— Dieu finira bien par lui faire expier ses fautes, avant de la remettre à la garde du diable.

Un peu de poudre à sécher fut répandue sur sa signature. Le notaire replaça feuilles et écritoire dans son sac de cuir noir ; puis les deux enquêteurs se levèrent pour prendre congé. Bouville les salua de la main sans se lever. Ils n’avaient pas fait cinq pas qu’ils n’étaient plus pour lui que deux ombres vagues se dissolvant derrière le mur d’eau.

L’ancien chambellan agita une clochette posée à côté de lui, pour réclamer son lait caillé. Diverses pensées le tracassaient. Comment son maître vénéré, le roi Philippe le Bel, au rendu de son jugement pour l’Artois, avait-il pu oublier l’acte qu’il avait auparavant ratifié, comment ne s’était-il pas soucié de la disparition de cette pièce ? Ah ! les meilleurs rois ne commettent pas seulement de belles actions…

Bouville se disait aussi qu’il irait un prochain jour faire visite au banquier Tolomei, afin de s’informer de Guccio Baglioni… et de l’enfant… mais sans insister, comme par une politesse de conversation. Le vieux Tolomei ne bougeait presque plus de son lit. C’étaient les jambes, chez lui, qui étaient prises. La vie s’en va ainsi ; pour l’un c’est l’oreille qui se ferme, pour l’autre les yeux qui s’éteignent, ou les membres qui cessent de se mouvoir. On compte le passé en années, mais on n’ose plus penser l’avenir qu’en mois ou en semaines.

« Vivrai-je encore quand ce fruit sera mûr, et le pourrai-je cueillir ? » songeait le comte de Bouville en regardant la poire de l’espalier.


Messire Pierre de Machaut, seigneur de Montargis, était un homme qui ne pardonnait jamais les injures, même aux morts. Le trépas de ses ennemis ne suffisait pas à apaiser ses ressentiments.

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