Читаем Le passager полностью

Abandonnant l’idée d’un sous-sol, il évalua l’idée d’une pièce secrète — tout aussi absurde. Les murs porteurs avaient ici plusieurs mètres d’épaisseur. Et il n’y avait ni angle ni recoin pour ménager un espace en retrait. Il redescendit pourtant au rez-de-chaussée. Déplaça le réfrigérateur. Sonda les fonds de placards. S’enfouit dans les penderies. Ouvrit les grilles d’aération…

Soudain, il eut envie de s’effondrer sur son lit et de s’endormir, pour ne plus se réveiller. Mais il devait tenir bon. Il s’orienta vers la cuisine, enjamba les débris et se fit un café. Il songeait maintenant à une annexe, située dans le village de lofts. Non. Il y aurait eu des factures, des quittances de loyer et il les aurait trouvées.

Pourtant, tasse en main, il rejoignit la porte et considéra la ruelle pavée. Tout était calme. Les habitants de ces ruelles étaient à mille lieues de se douter de ce qu’il se passait. Son regard s’arrêta sur une plaque de métal à double battant qui perçait le sol à cinq mètres de son seuil. Il retourna vers le comptoir de Nono le peintre, fouilla, trouva un marteau ainsi qu’un tournevis — des instruments qui devaient lui servir pour fixer les toiles sur les châssis — ou donner l’illusion qu’il le faisait.

Il rejoignit la trappe et enfonça le tournevis dans la rainure centrale. Un coup de marteau suffit pour faire levier. Un des battants sauta. Chaplain découvrit un escalier de ciment. Il plongea dans le sous-sol et referma la paroi sur sa tête, cherchant à tâtons un commutateur. La lumière jaillit. En bas des marches, s’ouvrait un couloir ponctué de portes en bois, plein de relents de moisi et de poussière. Les caves des lofts. Il s’avança encore, se demandant où était la sienne.

Au bout de quelques pas, il n’eut aucun doute : une seule porte était en fer. Pas un cadenas mais une serrure. Ce qu’il cherchait était derrière. Il tenait toujours son marteau et son tournevis. Au mépris de toute discrétion, il enfonça sa pointe entre la paroi et le chambranle et frappa de toutes ses forces. Enfin, le métal se tordit, se souleva. Il planta son arme plus profondément et fit, une nouvelle fois, levier.

La serrure céda. Ce qu’il découvrit lui arracha un cri de triomphe. Il y avait là plusieurs imprimantes. Un plan de travail supportant un microscope, des mines, des pinceaux, des cutters. Sur des étagères, des produits chimiques, des encres, des tampons. Sous des bâches, plusieurs scanners, une machine de plastification, un appareil d’analyse biométrique…

Il alluma le plafonnier, éteignit la lumière du couloir, referma la porte. Le lieu était aménagé en atelier d’imprimerie. Le long des murs, des rames de papier. Des feuilles de plastique. Des toners. Des encreurs. Une lampe ultraviolette…

Un autre miracle était en marche : il se souvenait de tout. Ses connaissances de faussaire revenaient à la surface de sa mémoire, aussi facilement que les gestes d’un nageur plongeant dans la mer après trente années de terre ferme. Comment expliquer ce miracle ? Ce savoir d’artisan était-il à ranger du côté de sa mémoire culturelle ? Autre explication : il s’était débarrassé du mystérieux implant. Sa mémoire s’en trouvait peut-être libérée…

Pas le temps de se poser la question. Il mit en marche les imprimantes, alluma les autres machines. Les souvenirs affluaient. Comment scanner un passeport ou toute autre pièce d’identité. Comment blanchir les inscriptions en filigrane ou les fils fluorescents permettant d’identifier précisément le document pour ensuite en créer d’autres — vierges de tout signalement. Il se souvenait d’avoir personnellement boosté ses engins afin de copier des détails micrographiques conçus justement pour échapper à toute tentative de contrefaçon. D’avoir anéanti les dispositifs intégrés par les fabricants de scanners et d’imprimantes afin d’éviter tout risque de production de faux. D’avoir occulté le numéro de série que chaque copieur imprime en microcaractères, invisibles à l’œil nu, pour permettre de détecter l’origine du document reproduit.

Il comprenait pourquoi Yussef ne l’avait pas abattu. Il était un virtuose du faux. Un as de la fraude de documents. Sa main n’avait pas de prix. Il tomba sur un nouveau trésor. Une boîte en bois compartimentée, d’un mètre sur un mètre, rappelant les fichiers à l’ancienne des bibliothèques. À l’intérieur, rangés, triés, ventilés, des documents d’identité vierges. Parmi eux, les passeports français promis à Yussef. Glissée dans chaque exemplaire, une feuille pliée en quatre indiquait le nom et les coordonnées du futur candidat à la nationalité française, agrémentés d’une photo d’identité. Tous les noms avaient des consonances slaves. Quant aux gueules, c’était le défilé des yétis.

Il ôta sa veste, mit en route le système de ventilation, s’assit derrière le plan de travail. Il avait la nuit pour fabriquer trente documents. Il espérait qu’à côté des connaissances, les gestes, l’habileté, la sûreté allaient revenir dans le même élan.

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