Читаем Le Serment des limbes полностью

Nous sommes encore gênés par nos vêtements — empêtrés dans les manches, les boutons. Bientôt, elle se résume aux figures géométriques de ses sous-vêtements. Blanches, aiguës, implacables. Des pointes qui me blessent et m’attirent, me coupent et me fascinent. Je suis déjà prêt à exploser, au sens organique : jet de sang et de fibres.

Je tombe sur le dos. Au-dessus de moi, ses seins se dévoilent : lourds, tendres, adorables. Des miracles de gravité qui s’affranchissent, créent leur propre chaleur. Leur frémissement me viole au plus profond de moi. Je me redresse. Elle me plaque à nouveau les épaules, plonge entre mes bras. Je perds définitivement tout contrôle. Plus rien n’a de sens. Excepté le fait que nous nous tenons l’un à l’autre, apeurés, affolés par le désir qui nous soulève.

Elle me frôle, me guide, me manipule. C’est comme si elle m’arrachait d’autres vêtements : les strates qui m’ont constitué durant tant d’années, les décisions qui m’ont forgé, les mensonges qui m’ont rassuré. La minute est si intense qu’elle concentre dans sa violence la dilatation des parcelles de temps déjà vécues, des années encore à vivre.

Je deviens fléchissement, faiblesse, langueur face à cet unique objet d’attraction — seins gonflés, si blancs, si libres, percés d’aréoles noires qui tremblent, effleurant mon visage. Mi-brûlant, mi-glacé, je remonte la main, cherchant ce contact.

Mais l’heure n’est plus aux caresses. Manon, accroupie sur mon ventre, cale ses mains sous ma nuque. Je ne comprends pas ce qui se passe. C’est la leçon de vie la plus violente de mon existence. Elle se cramponne à mon cou, penchée sur moi, et commence une quête étrange, obstinée, à coups de hanches.

Elle cherche son plaisir, l’approche, le perd, l’affleure encore. Un travail d’amour, à la fois brutal et délicat, précis et barbare, dont je suis exclu. Je m’adapte à son roulis et sens monter en moi la même recherche, le même entêtement. Nous nous accordons, solitaires dans notre effort pour voler ce que l’autre détient pour nous.

Tout s’accélère. Nos lèvres s’écrasent, nos doigts s’accrochent. Le point culminant est là, à portée de souffle, quelque part sous nos ventres. Chair contre chair, nous tanguons, nous cherchons, nous sondons. Elle se tient toujours à califourchon sur moi, talons plantés dans les draps, ignorant toute pudeur, toute retenue — et je sais que c’est la seule voie, le seul moyen d’atteindre le but. Rien ne compte plus que cette torsion volcanique, le frottement affolé de nos abîmes, les silex de nos sexes…

Soudain, elle se cambre et hurle. C’est moi alors qui l’attrape par les cheveux et la ramène à moi. Un tour encore, un millimètre, et je serai heureux. Ses seins reviennent, en force, en tourments, en vertiges. D’un coup, l’étincelle jaillit des pierres. La brûlure se concentre, remonte en moi. La jouissance passe dans mes membres comme un courant électrique, sans source ni limite. Une fraction de seconde encore. Je repousse son torse et la dévore des yeux pour la dernière fois : bras relevés, seins déployés, ventre tendu, papier de riz, pubis noir…

La chaleur éclate dans mon sexe.

À cette seconde, tout s’absout en moi.

L’instant d’après, je suis de nouveau moi. La transe est déjà loin. Mais je me sens neuf, pur, nettoyé. Je sombre dans le désespoir. La honte. La lucidité. Je pense au mensonge de mes quinze dernières années. L’amour exclusif à Dieu. La compassion dédiée aux autres. Le sexe réservé aux « petites camarades » exotiques. Bricolage illusoire… Mon désir d’homme mal étouffé dans mon amour de chrétien. J’en veux presque à Manon, de tant de vérités, de tant d’évidences, crachées à ma face, à mon corps, en quelques caresses. Puis je flotte sur une onde de chaleur. Je suis de nouveau heureux.

— Ça va ?

Sa voix éraillée portait la marque d’un soulagement, d’une bienveillance. Sans répondre, je tâtonnai mes frusques à la recherche d’une cigarette. Camel. Zippo. Bouffée. Je tombai à la renverse, en travers du lit. Manon posa son index sur mon visage, suivant la ligne du front, du nez. Plusieurs minutes passèrent ainsi. Le frigo de la chambre était devenu un four. De la buée couvrait les vitres. Je vidai mon paquet de dopes sur la table de chevet pour en faire un cendrier.

— On va jouer à un jeu, chuchota-t-elle. Dis-moi ce que tu préfères chez moi…

Je ne répondis pas. J’avais subi un flash. Un shoot d’héroïne pure. Je ne sentais plus en moi qu’un immense engourdissement, une courbature infinie.

— Allez, gronda-t-elle. Dis-moi ce que tu aimes chez moi…

Je me redressai sur un coude et la contemplai. Ce n’était pas seulement son corps qui était nu devant moi, mais tout son être. La nuit arrache les masques, et aussi les visages. Il ne reste que les voix. Et l’âme. Finis les tics, les conventions sociales, les mensonges ordinaires qui nous travestissent.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Джек Ричер, или Граница полуночи
Джек Ричер, или Граница полуночи

«Жестокий, но справедливый Джек Ричер — самый крутой персонаж самой крутой из ныне продолжающихся книжных серий».Стивен Кинг«Иногда кажется, что Чайлд делает все очень просто. Но если это так, странно, почему же ни у кого не получается делать то же самое столь же хорошо?»Evening Standard«Джек Ричер, жесткий, но честный, нравится как мужчинам, так и женщинам. И все же он сам по себе, и никто не может пройти его путем».MirrorЛи Чайлд — самый популярный в мире автор в жанре «крутого» детектива. Каждый его роман о Джеке Ричере становился бестселлером № 1 New York Times. Новых книг из этой серии с нетерпением ожидают десятки миллионов читателей по всему миру.Судьба Джека Ричера часто делала самые крутые повороты в силу самых незначительных причин. Вот и теперь ему лишь стоило от нечего делать зайти в лавку старьевщика в маленьком глухом городке. Там он случайно заметил маленькое кольцо с гравировкой «Вест-Пойнт, 2005». Будучи сам выпускником Военной академии, Ричер не мог пройти мимо. Кольцо явно женского размера. А раз оно попало к старьевщику, значит, с этой женщиной что-то не в порядке. Продала ли она его из крайней нужды? Или ее уже нет в живых? Ричер накрепко усвоил закон военного братства: «Мы своих не бросаем…»

Ли Чайлд

Детективы / Триллер / Классические детективы