Читаем Le Serment des limbes полностью

J’aurais pu lui dire que ce n’était pas l’amant qui était bouleversé à cet instant, mais le chrétien face à cette mise à nu. Nous étions comme après une confession. Délivrés de toute faute, nettoyés de tout faux-semblant. Tel était le paradoxe : sortant du péché de chair, jamais nous n’avions été aussi innocents.

Voilà ce que j’aurais pu lui murmurer… Au lieu de ça, je bafouillai quelques banalités sur ses yeux, ses lèvres, ses mains. Des mots si usés qu’ils en avaient perdu toute signification. Elle rit à voix basse :

— T’es nul, mais c’est pas grave.

Elle se mit sur le ventre puis planta son menton entre ses mains :

— Je vais te dire, moi, ce que j’aime en toi…

Sa voix était chargée de reconnaissance, non pas pour moi mais pour la vie, ses surprises, ses bonheurs. Son souffle révélait qu’elle avait toujours cru dans ces promesses et que cette nuit venait de lui donner raison.

— J’aime tes boucles, commença-t-elle, en tournant son doigt dans mes cheveux. Elles ont toujours l’air humides, comme des petits souvenirs de pluie. (Elle passa son index sous mes yeux.) J’aime tes cernes, qui ressemblent aux ombres de tes pensées. Ton visage, qui traîne en longueur. Tes poignets, tes clavicules, tes hanches, qui font mal, et en même temps si souples, si doux, si cool…

Elle touchait chaque partie, comme pour s’assurer que tout était en ordre :

— J’aime ton corps, Mathieu. Je veux dire : sa vie, son mouvement. Cette façon que tu as d’exprimer tes sentiments à travers tes gestes. Comment tu hausses brusquement une épaule, en signe d’incertitude. Comment tu baisses ton menton sur deux doigts, pour donner un appui à tes paroles. Comment tu t’assois, effondré, prêt à t’endormir, et en même temps trépignant, tendu à te rompre. J’aime comment tu allumes tes clopes avec ton gros briquet : la cigarette, au bout de tes doigts si fins… On dirait que tout s’enflamme : la main, le bras, le visage…

Elle continua, tout en frôlant mes tempes :

— J’aime tous ces déclics, ces ruptures, ces frémissements. On dirait que tu as toujours du mal à trouver ta place dans ce monde. Tu y entres chaque fois par effraction, au dernier moment, trop vite, trop brutalement. Sans jamais être sûr de ton coup… Le prends pas mal, Mathieu, mais il y a aussi un truc féminin en toi. C’est pour ça, je crois, que tu m’as fait autant jouir ce soir. Tu connaissais, d’instinct, mes petits secrets, mes points sensibles… Pour toi, c’était un terrain familier, qui s’est peu à peu révélé, sous tes doigts…

Elle éclata de rire, en me prenant la main et en la lissant :

— Fais pas cette tête ! Ce sont des compliments !

Elle prit un ton de confidence :

— Je sens aussi une distance, un respect, presque une frayeur vis-à-vis de moi, qui me procure un plaisir… irrésistible. Tu es un mâle, Mathieu : aucun doute là-dessus. Mais tu as une complexité qui me colle des frissons, des pieds à la tête. Tu réunis tant de contraires ! Chaud, froid, solide, instable, volontaire, timide, masculin, féminin…

Le froid revenait. J’avais du mal à me convaincre que l’étranger qu’elle décrivait était moi. Elle passa son bras autour de mon cou et m’embrassa :

— Mais surtout, il y a au fond de toi un noyau qui te ronge et qui te donne une réalité, une présence que je n’ai jamais rencontrée chez aucun autre.

— Même pas chez Luc ?

La question m’avait échappé. Elle se redressa :

— Pourquoi tu me parles de Luc ?

— Je ne sais pas. Tu l’as bien connu, non ? Il est venu ici ?

— Il est resté plusieurs jours. Il ne te ressemblait pas. Beaucoup moins solide.

— Moins solide, Luc ?

— Il avait l’air déterminé, comme ça, mais il n’y avait aucun point fort en lui, aucune fondation. Il était en chute libre. Alors que toi, tu es arc-bouté, cramponné à je ne sais quel fil…

— Il s’est passé quelque chose entre vous ?

Nouveau rire :

— Tu as de ces idées ! Il n’y avait pas de place chez lui pour l’amour. Pas cet amour-là en tout cas.

— Ce n’est pas ce que je te demande. Toi, tu as éprouvé quelque chose pour Luc ?

Elle m’ébouriffa les cheveux :

— T’es jaloux ? (Elle nicha sa tête au creux de mon épaule.) Non. Je n’aurais jamais eu cette idée. Luc était sur une autre planète. Il disait qu’il m’aimait mais cela sonnait creux.

— Il disait ça ?

— Il n’arrêtait pas. Des déclarations sauvages. Mais je n’y croyais pas.

Une lumière explosa dans mon esprit. Une possibilité qui ne m’avait jamais effleuré. Un suicide d’amour. Luc s’était épris de Manon. Et c’était la raison de son suicide ! Il s’était foutu en l’air parce qu’une jeune fille insouciante lui avait dit « non ». Luc avait aimé Manon, avec toute sa passion de fanatique, et elle l’avait repoussé d’un rire, le jetant aux enfers.

— Comment peux-tu être si sûre de toi ? dis-je d’un ton sec. Luc t’aimait peut-être à la folie.

— Pourquoi tu en parles au passé ?

Je ne répondis pas. Je venais de commettre une erreur. Celle qu’on attend du suspect, au cœur de la nuit, durant sa garde à vue. Manon me considéra gravement :

— Qu’est-ce qui se passe ? Tu m’as dit que Luc avait été muté.

— Je t’ai menti.

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