L’étang mystérieux, suaire aux blanches moires,Frissonne; au fond du bois, la clairière apparaît;Les arbres sont profonds et les branches sont noires;Avez-vous vu Vénus à travers la forêt?Avez-vous vu Vénus au sommet des collines?Vous qui passez dans l’ombre, êtes-vous des amants?Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines;L’herbe s’éveille et parle aux sépulcres dormants.Que dit-il, le brin d’herbe? et que répond la tombe?Aimez, vous qui vivez! on a froid sous les ifs.Lèvre, cherche la bouche! aimez-vous! la nuit tombe;Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez! faites envie,Ô couples qui passez sous le vert coudrier.Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie,On emporta d’amour, on l’emploie à prier.Les mortes d’aujourd’hui furent jadis les belles.Le ver luisant dans l’ombre erre avec son flambeau.Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,Le brin d’herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau.La forme d’un toit noir dessine une chaumière;On entend dans les prés le pas lourd du faucheur;L’étoile aux cieux, ainsi qu’une fleur de lumière,Ouvre et fait rayonner sa splendide fraîcheur.Aimez-vous! c’est le mois où les fraises sont mûres.L’ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,Les prières des morts aux baisers des vivants.
Chelles, août 18…
XXVII. La nichée sous le portail
Oui, va prier à l’église,Va; mais regarde en passant,Sous la vieille voûte grise,Ce petit nid innocent.Aux grands temples où l’on prie,Le martinet, frais et pur,Suspend la maçonnerieQui contient le plus d’azur.La couvée est dans la mousseDu portail qui s’attendrit;Elle sent la chaleur douceDes ailes de Jésus-Christ.L’église, où l’ombre flamboie,Vibre, émue à ce doux bruit;Les oiseaux sont pleins de joie,La pierre est pleine de nuit.Les saints, graves personnagesSous les porches palpitants,Aiment ces doux voisinagesDu baiser et du printemps.Les vierges et les prophètesSe penchent dans l’âpre tour,Sur ces ruches d’oiseaux faitesPour le divin miel amour.L’oiseau se perche sur l’ange;L’apôtre rit sous l’arceau.«Bonjour, saint!» dit la mésange.Le saint dit: «Bonjour, oiseau!»Les cathédrales sont bellesEt hautes sous le ciel bleu;Mais le nid des hirondellesEst l’édifice de Dieu.