Oh! ce serait vraiment un mystère sublimeQue ce ciel si profond, si lumineux, si beau,Qui flamboie à nos yeux ouvert comme un abîme,Fût l’intérieur du tombeau!Que tout se révélât à nos paupières closes!Que, morts, ces grands destins nous fussent réservés!…Qu’en est-il de ce rêve et de bien d’autres choses?Il est certain, Seigneur, que seul vous le savez.
V
Il est certain aussi que, jadis, sur la terre,Le patriarche, ému d’un redoutable effroi,Et les saints qui peuplaient la Thébaïde austèreOnt fait des songes comme moi;Que, dans sa solitude auguste, le prophèteVoyait, pour son regard plein d’étranges rayons,Par la même fêlure aux réalités faite,S’ouvrir le monde obscur des pâles visions;Et qu’à l’heure où le jour devant la nuit recule,Ces sages que jamais l’homme, hélas! ne comprit,Mêlaient, silencieux, au morne crépusculeLe trouble de leur sombre esprit;Tandis que l’eau sortait des sources cristallines,Et que les grands lions, de moments en moments,Vaguement apparus au sommet des collines,Poussaient dans le désert de longs rugissements!
Avril 1839.
IV. Écrit au bas d’un crucifix
Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure.Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit.Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit.Vous qui passez, venez à lui, car il demeure.
Mars 1842.
V. Quia pulvis es
Ceux-ci partent, ceux-là demeurent.Sous le sombre aquilon, dont les mille voix pleurent,Poussière et genre humain, tout s’envole à la fois.Hélas! le même vent souffle, en l’ombre où nous sommes,Sur toutes les têtes des hommes,Sur toutes les feuilles des bois.Ceux qui restent à ceux qui passentDisent: – Infortunés! déjà vos fronts s’effacent.Quoi! vous n’entendrez plus la parole et le bruit!Quoi! vous ne verrez plus ni le ciel ni les arbres!Vous allez dormir sous les marbres!Vous allez tomber dans la nuit! –Ceux qui passent à ceux qui restentDisent: – Vous n’avez rien à vous! vos pleurs l’attestent!Pour vous, gloire et bonheur sont des mots décevants.Dieu donne aux morts les biens réels, les vrais royaumes.Vivants! vous êtes des fantômes;C’est nous qui sommes les vivants! –