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J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,Parce qu’on les hait;Et que rien n’exauce et que tout châtieLeur morne souhait;Parce qu’elles sont maudites, chétives,Noirs êtres rampants;Parce qu’elles sont les tristes captivesDe leur guet-apens;Parce qu’elles sont prises dans leur œuvre;Ô sort! fatals nœuds!Parce que l’ortie est une couleuvre,L’araignée un gueux;Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,Parce qu’on les fuit,Parce qu’elles sont toutes deux victimesDe la sombre nuit.Passants, faites grâce à la plante obscure,Au pauvre animal.Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,Oh! plaignez le mal!Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie;Tout veut un baiser.Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublieDe les écraser,Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe,Tout bas, loin du jour,La vilaine bête et la mauvaise herbeMurmurent: Amour!

Juillet 1842.

XXVIII. Le poëte

Shakspeare songe; loin du Versaille éclatant,Des buis taillés, des ifs peignés, où l’on entendGémir la tragédie éplorée et prolixe,Il contemple la foule avec son regard fixe,Et toute la forêt frissonne devant lui.Pâle, il marche, au dedans de lui-même ébloui;Il va, farouche, fauve, et, comme une crinière,Secouant sur sa tête un haillon de lumière.Son crâne transparent est plein d’âmes, de corps,De rêves, dont on voit la lueur du dehors;Le monde tout entier passe à travers son crible;Il tient toute la vie en son poignet terrible;Il fait sortir de l’homme un sanglot surhumain.Dans ce génie étrange où l’on perd son chemin,Comme dans une mer, notre esprit parfois sombre,Nous sentons, frémissants, dans son théâtre sombre,Passer sur nous le vent de sa bouche soufflant,Et ses doigts nous ouvrir et nous fouiller le flanc.Jamais il ne recule; il est géant; il dompteRichard-Trois, léopard, Caliban, mastodonte;L’idéal est le vin que verse ce Bacchus.Les sujets monstrueux qu’il a pris et vaincusRâlent autour de lui, splendides ou difformes;Il étreint Lear, Brutus, Hamlet, êtres énormes,Capulet, Montaigu, César, et, tour à tour,Les stryges dans le bois, le spectre sur la tour;Et, même après Eschyle, effarant Melpomène,Sinistre, ayant aux mains des lambeaux d’âme humaine,De la chair d’Othello, des restes de Macbeth,Dans son œuvre, du drame effrayant alphabet,Il se repose; ainsi le noir lion des jonglesS’endort dans l’antre immense avec du sang aux ongles.

Paris, avril 1835.

XXIX. La nature

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