Читаем Les Fourmis полностью

Le 327e mâle insiste. Pour une fois qu'il a une interlocutrice qui semble prête à l'écouter jusqu'au bout, il émet de toutes ses forces ses molécules les plus séduisantes. Selon lui, cette catastrophe devrait être le souci prioritaire. On devrait sur-le-champ envoyer des espionnes pour essayer de savoir quelle est cette arme secrète. Belo-kiu-kiuni répond que la Meute croule sous les soucis prioritaires. Non seulement le réveil printanier n'est pas complètement achevé, mais la peau de la Cité est encore en chantier. Et tant que la dernière couche de branchettes ne sera pas posée, il serait hasardeux de partir en guerre. Par ailleurs, la Meute manque de protéines et de sucres. Enfin, il faut déjà penser à préparer la fête de la Renaissance. Tout cela nécessite les énergies vives de chacun. Même les espionnes sont suremployées. Voilà qui expliquerait que son message d'angoisse ne puisse être entendu.

Un temps. On entend juste les labiales des ouvrières léchant la carapace de Mère, qui, de son côté, s'est remise à tripoter sa plante Carnivore. Elle se contorsionne jusqu'à se caler l'abdomen sous le thorax. Ses deux pattes antérieures pendent. Elle retire prestement la patte lorsque les mâchoires végétales se referment, puis le prend à témoin de l'arme formidable que ce pourrait être.

On pourrait dresser un mur de plantes carnivores pour protéger toute la frontière nord-ouest. Le seul problème, c'est que pour le moment ces petits monstres ne savent pas faire la distinction entre les gens de la Cité et les étrangers…

327e revient sur le sujet qui l'obnubile. Belo-kiu-kiuni lui demande combien d'individus sont morts dans 1' «accident». Vingt-huit. Tous de la sous-caste des guerrières exploratrices? Affirmatif, il était le seul mâle de l'expédition. Elle se concentre alors et pond successivement vingt-huit perles, qui sont autant de sœurs liquides.

Vingt-huit fourmis sont mortes, ces vingt-huit œufs vont les remplacer.

 

UN JOUR FATALEMENT: Un jour, fatalement, des doigts se poseront sur ces pages, des yeux lécheront ces mots, des cervelles en interpréteront le sens. Je ne veux pas que ce moment arrive trop tôt. Les conséquences pourraient en être terribles. Et à l'heure où j'écris ces phrases, je lutte encore pour préserver mon secret. Cependant, il faudra bien qu'un jour l'on sache ce qui s'est passé. Même les secrets les plus profondément enfouis finissent par remonter à la surface du lac. Le temps est leur pire ennemi. Qui que vous soyez, tout d'abord je vous salue. Au moment où vous me lisez, je suis probablement mort depuis une dizaine, voire une centaine d'années. Du moins je l'espère.

Je regrette parfois d'avoir accédé à cetteconnaissance. Mais je suis un humain, etmême si ma solidarité d'espèce est en cemoment à son plus bas échelon, je sais tousles devoirs que me donne le seul fait d'êtrené un jour parmi vous, hommes de cetunivers.

Je dois transmettre mon histoire.

Toutes les histoires se ressemblent, à y voird'un peu près. Il y a au début un sujet «endevenir» qui dort. Il subit une crise. Cettecrise le force à réagir. Selon soncomportement, il mourra ou il évoluera.

La première histoire que je vais vousraconter est celle de notre univers. Parceque nous vivons à l'intérieur. Et parce quetoutes les choses, petites et grandes,répondent aux mêmes lois et connaissent lesmêmes liens d'interdépendance.

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