Читаем Les Fourmis полностью

La messagère thermique repart comme si de rien n'était.

Le 327e ne renonce pas. Il court dans les couloirs en lâchant son message d'alerte.

Parfois des guerrières s'arrêtent, l'écoutent, vont jusqu'à dialoguer avec lui, mais son histoire d'arme ravageuse est si peu crédible.

Aucun groupe capable de prendre en charge une mission militaire ne se forme.

Il marche, abattu.

Soudain, alors qu'il parcourt un tunnel désert du quatrième étage en sous-sol, il détecte un bruit derrière lui. Quelqu'un le suit.

Le 327e mâle se retourne. Avec ses ocelles infrarouges, il inspecte le couloir. Taches rouges et noires. Il n'y a personne. Bizarre.

Ce devait être une erreur. Mais le bruit de pas résonne à nouveau derrière lui. Scritch…tssss, scritch… tssss. C'est quelqu'un qui doit boiter de deux pattes sur six, et qui se rapproche.

Pour s'assurer du phénomène, il bifurque à chaque carrefour, puis il marque un temps d'arrêt. Le bruit s'interrompt. Dès qu'il repart: Scritch… tss, scritch… tss, scritch… tss, le bruit reprend. Pas de doute: on le suit. Quelqu'un qui se cache quand il se retourne. Etrange comportement, parfaitement inédit. Pourquoi une cellule de la Meute en suivrait-elle une autre sans se faire connaître? Ici chacun est avec tout le monde et n'a rien à dissimuler à personne. La «présence» n'en persiste pas moins. Toujours à distance, toujours cachée. Scritch… tss, scritch… tss. Comment réagir? Quand il était encore larve, les nourrices lui avaient appris qu'il faut toujours faire front au danger. Il stoppe et fait semblant de se laver. La présence n'est plus très loin. Il la sent presque. Tout en mimant les gestes du nettoyage, il remue ses antennes. Ça y est, il perçoit les molécules odorantes du suiveur, C'est une petite guerrière d'un an. Elle dégage un parfum singulier, qui recouvre ses identifications courantes. Pas facile à définir. On dirait une odeur de roche.

La petite guerrière ne se cache plus.

Scritch… tssss… scritch… tssss… Il la voit maintenant en infrarouge. Elle a en effet deux pattes en moins. Son odeur de roche se fait plus forte.

Il émet.

Qui est là.?

Pas de réponse.

Pourquoi me suivez-vous?

Pas de réponse.

Voulant oublier l'incident, il reprend sa route, mais bientôt il détecte une seconde présence qui arrive en face. Une grosse guerrière cette fois. La galerie est étroite, il ne passera pas.

Faire demi-tour? Ce serait affronter la boiteuse, qui se hâte d'ailleurs vers lui.

Il est coincé.

Maintenant il le sent: ce sont deux guerrières. Et elles portent toutes les deux ce parfom de roche. La grosse ouvre ses longues cisailles.

C'est un piège!

Il est impensable qu'une fourmi de la cité veuille en tuer une autre. Serait-ce un détraquement du système immunitaire?

N'ont-elles pas reconnu ses odeurs d'identification? Le prennent-elles pour un corps étranger? C'est proprement insensé, c'est comme si son estomac avait décidé d'assassiner son intestin…

Le 327e mâle augmente la force de ses émissions

Je suis comme vous une cellule de la Meute.

Nous sommes du même organisme.

Ce sont déjeunes soldâtes, elles doivent se tromper. Mais ses émissions n'apaisent point ses vis-à-vis. La petite boiteuse lui saute sur le dos et le retient par les ailes, tandis que la grosse lui serre la tête entre ses mandibules.

Elles le traînent, ainsi garrotté, dans la direction du dépotoir.

Le 327e mâle se débat. Avec son segment à dialogue sexuel, il émet toutes sortes d'émotions que ne connaissent même pas les asexués. Cela va de l'incompréhension à la panique.

Pour ne pas être salie par ces idées «abstraites», la boiteuse, toujours plaquée sur son mésotonum, lui racle les antennes avec ses mandibules. Elle enlève par ce geste toutes ses phéromones, et notamment ses odeurs passeports. De toute façon, là où il va elles ne lui serviront plus à grand-chose… Le sinistre trio avance poussivement dans les couloirs les moins fréquentés. La petite boiteuse continue méthodiquement son travail de nettoyage. On dirait qu'elle ne veut laisser aucune information sur cette tête. Le mâle ne se débat plus. Résigné, il se prépare à s'éteindre en ralentissant les battements de son cœur.

 

Pourquoi tant de violences, pourquoi tant de haine, frères? Pourquoi?

Un, nous ne sommes qu'un, tous ensemble nous mes les enfants de la Terre et de Dieu.

Cessons là nos vaines disputes. Le XXIIe siècle sera spirituel ou ne sera pas.

Abandonnons nos vieilles querelles fondées sur l'orgueil et la duplicité.

L'individualisme, voilà notre véritable ennemi! Un frère dans le besoin, et vous le laissez mourir de faim, vous n'êtes plus dignes de faire partie de la large communauté du monde. Un être perdu qui vous réclame aide et assistance, et vous lui fermez la porte.

Vous n'êtes pas des nôtres.

Je vous connais, bonnes consciences calées dans la soie! Vous ne pensez qu'à votre confort personnel, vous ne désirez que des gloires individuelles, le bonheur oui, mais uniquement le vôtre et celui de votre proche famille.

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