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Il eut en achevant cette phrase comme un tic lui remontant le coin gauche de la bouche. Elle ne l'avait jamais vu comme ça. Elle comprit qu'il ne fallait plus l'accabler. Elle lui enlaça la taille et embrassa ses lèvres froides.

– Calme-toi, c'est fini. On va sceller cette porte et on n'en parlera plus.

Il eut un mouvement de recul.

– Non. Non ce n'est pas fini. Là, je me suis laissé a arrêter par cette zone rouge. Tout le monde se serait arrêté. On est toujours effrayé par la violence, même quand elle est exercée contre des animaux. Mais je ne peux pas rester comme ça, peut-être tout près du but…

– Tu ne vas pas me dire que tu veux y retourner!

– Si. Edmond est passé, je passerai.

– Edmond, ton oncle Edmond?

– Il a fait quelque chose là-dessous, et je veux savoir quoi.

Lucie étouffa un gémissement.

– S'il te plaît, par amour pour moi et pour Nicolas, ne redescends plus.

– Je n'ai pas le choix.

Il eut à nouveau ce tic de la bouche.

– J'ai toujours fait les choses à moitié. Je me suis toujours arrêté quand ma raison me disait que le péril était proche. Et regarde ce que je suis devenu. Un homme qui n'a certes pas connu de danger, mais qui n'a -pas non plus réussi sa vie. A force de faire la moitié du chemin, je ne suis jamais allé au fond des choses. J'aurais dû rester à la serrurerie, me faire agresser et tant pis pour les bosses. C'aurait été un baptême, j'aurais connu la violence et appris à la gérer. Au lieu de quoi, à force d'éviter les ennuis, je suis comme un bébé sans expérience.

– Tu délires.

– Non, je ne délire pas. On ne peut pas vivre éternellement dans un cocon. Avec cette cave, j'ai une occasion unique de franchir le pas. Si je ne le fais pas, je n'oserai plus jamais me regarder dans la glace, je n'y verrais qu'un lâche. D'ailleurs c'est toi-même qui m'as poussé à descendre, rappelle-toi.

Il enleva sa chemise tachée de sang.

– N'insiste pas, ma décision est irrévocable.

– Bon, alors, je viens avec toi! déclara-t-elle en empoignant la torche électrique.

– Non, tu restes ici!

Il l'avait saisie par les poignets, fermement.

– Lâche-moi, qu'est-ce qui te prend?

– Excuse-moi, mais tu dois comprendre, cette cave c'est quelque chose qui ne concerne que moi. C'est ma plongée, c'est mon chemin. Et personne ne doit s'en mêler, tu m'entends?

Derrière eux, Nicolas pleurait toujours sur la dépouille de Ouarzazate. Jonathan libéra les poignets de Lucie et s'approcha de son fils.

– Allons, reprends-toi, garçon!

– J'en ai marre, Ouarzi est mort et vous ne faites que vous disputer.

Jonathan voulut faire diversion. Il prit une boîte d'allumettes, en sortit six et les posa sur la table.

– Tiens, regarde, je vais te montrer une énigme. Il est possible de former quatre triangles équilatéraux avec ces six allumettes. Cherche bien, tu dois pouvoir trouver,

Le garçon, surpris, sécha ses larmes et renifla sa morve. Il commença aussitôt à disposer les allumettes de différentes manières.

– Et j'ai encore un conseil à te donner. Pour trouver solution, il faut penser différemment. Si on réfléchit comme on en a l'habitude, on n'arrive à rien.

Nicolas parvint à composer trois triangles. Pas quatre. Il leva ses grands yeux bleus, battit des paupières.

– Tu as trouvé la solution, toi Papa?

– Non, pas encore, mais je sens que je n'en ai plus pour très longtemps.

Jonathan avait momentanément calmé son fils, mais sa femme. Lucie lui lançait des regards courroucés et le soir ils se disputèrent assez violemment. Mais Jonathan ne voulut rien dire sur la cave et ses mystères. Le lendemain, il se leva tôt et passa la matinée à installer à l'entrée de la cave une porte en fer munie d'un gros cadenas. Il en accrocha la clé unique autour de son cou.

 

Le salut arrive sous la forme inattendue d'un tremblement de terre.

Ce sont tout d'abord les murs qui subissent une grande secousse latérale. Le sable commence à couler en cascade depuis les plafonds. Une seconde secousse suit presque aussitôt, puis une troisième, une quatrième… Les ébranlements sourds se succèdent de plus en plus rapidement, de plus en plus proches du trio insolite. C'est un énorme grondement qui ne s'arrête plus et sous lequel tout vibre.

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