Читаем Les Fourmis полностью

– Monter les insectes les uns contre les autres, c'est a l'idée?

– Mmmh, lui il appelait cela «s'immiscer dans leur diplomatie». On a fait tellement de bêtises au siècle dernier, avec les insecticides chimiques. Il ne faut jamais attaquer l'insecte de front, plus encore il ne faut jamais le sous-estimer et vouloir le dompter comme on l'a fait avec les mammifères. L'insecte, c'est une autre philosophie, un autre espace-temps, une autre dimension. L'insecte a par exemple une parade contre tous les poisons chimiques - la mithridatisation. Vous savez, si on n'arrive toujours pas à conjurer les invasions de sauterelles c'est qu'elles s'adaptent à tout, les bougresses. Collez-leur de l'insecticide, 99 pour cent crèvent mais un pour cent survit. Et ces un pour cent de rescapées sont non seulement immunisées, mais donnent naissance à 100 pour cent de petites sauterelles «vaccinées» contre cet insecticide. C'est ainsi qu'il y a deux cents ans, on a fait l'erreur d'augmenter sans cesse la toxicité des produits. Si bien que ceux-ci tuaient plus d'humains que d'insectes. Et nous avons créé des souches hyperrésistantes capables de consommer sans aucun dégât les pires poisons.

– Vous voulez dire qu'on n'a pas de véritable moyen de lutter contre les insectes?

– Constatez vous-même. Il y a toujours des moustiques, des sauterelles, des charançons, des mouches tsétsé - et des fourmis. Elles résistent à tout. En 1945, on s'est aperçu que seuls les fourmis et les scorpions avaient survécu aux déflagrations nucléaires. Elles se sont adaptées même à ça!

 

Le 327e mâle a fait couler le sang d'une cellule de la Meute. Il a exercé la pire violence contre son propre organisme. Cela lui laisse un goût amer. Mais avait-il d'autre moyen, lui, l'hormone d'information, de survivre afin de poursuivre sa mission? S'il a tué, c'est bien parce qu'on a tenté de le tuer. C'est une réaction en chaîne. Comme le cancer. Parce que la Meute se comporte de manière anormale envers lui, il se voit contraint d'agir à l'identique. Il doit se faire à cette idée.

Il a tué une cellule sœur. Il en tuera peut-être d'autres.

 

– Mais qu'allait-il faire en Afrique? Puisque, des fourmis, vous le dites vous-même, il y en a partout.

– Certes, mais pas les mêmes fourmis… Je crois qu'Edmond ne tenait plus à rien après la perte de sa femme, je me demande même avec le recul s'il n'attendait pas que les fourmis le «suicident».

– Pardon?

– Elles ont failli le bouffer, sacrediou! Les fourmis magnans d'Afrique… Vous n'avez jamais vu le film Quand la Marabounta gronde?

Jonathan secoua la tête en signe de dénégation.

– La Marabounta c'est la masse des fourmis magnans dorylines, ou annoma nigricans,

qui avance dans la plaine en détruisant tout sur son passage.

Le Pr Rosenfeld se leva, comme pour faire front devant une vague invisible.

– On entend d'abord comme un vaste bruissement composé de tous les cris et

piaillements, battements d'ailes et de pattes de toutes les petites bêtes qui tentent de fuir.

A ce stade, on ne voit pas encore les magnans, et puis quelques guerrières surgissent de derrière une butte. Après ces éclaireurs, les autres arrivent vite, en colonnes à perte de vue. La colline devient noire. C'est comme une coulée de lave qui fait fondre tout ce qu'elle touche.

Le professeur allait et venait en gesticulant, pris par son sujet.

– C'est le sang vénéneux de l'Afrique. De l'acide vivant. Leur nombre est effrayant.

Une colonie de magnans pond en moyenne cinq cent mille œufs tous les jours. Il y a de

quoi en remplir des seaux entiers… Donc, cette rigole d'acide sulfurique noir coule,

remonte les talus et les arbres, rien ne l'arrête. Les oiseaux, lézards ou mammifères insectivores qui ont le malheur d'approcher se font aussitôt émietter. Vision d'Apocalypse! Les magnans n'ont peur d'aucune bête. Une fois, j'ai vu un chat trop curieux se faire dissoudre en un clin d'œil. Elles traversent même les ruisseaux en faisant des ponts flottants de leurs propres cadavres!… En Côte-d'Ivoire, dans la région avoisinant le centre écotrope de Lamto où nous les étudiions, la population n'a toujours pas trouvé de parade à leur invasion. Alors quand on annonce que ces minuscules Attila vont traverser le village, les gens fuient en emportant leurs biens les plus précieux. Ils mettent les pieds de tables et de chaises dans des seaux de vinaigre et ils prient leurs dieux. Au retour, tout est lessivé, c'est comme un typhon. Il n'y a plus le moindre bout d'aliment ou de quelque substance organique que ce soit. Plus la moindre vermine non plus. Les magnans sont finalement le meilleur moyen de nettoyer sa case de fond en comble.

– Comment faisiez-vous pour les étudier si elles sont si féroces?

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