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Sans argent ni métier, Anne-Marie décida de retourner vivre chez ses parents. Mais l'insolent trépas de mon père avait désobligé les Schweitzer: il ressemblait trop à une répudiation. Pour n'avoir su ni le prévoir ni le prévenir, ma mère fut réputée coupable: elle avait pris, à l'étourdie, un mari qui n'avait pas fait d'usage. Pour la longue Ariane qui revint à Meudon, avec un enfant dans les bras, tout le monde fut parfait: mon grand-père avait demandé sa retraite, il reprit du service sans un mot de reproche; ma grand-mère, elle-même, eut le triomphe discret. Mais Anne-Marie, glacée de reconnaissance, devinait le blâme sous les bons procédés: les familles, bien sûr, préfèrent les veuves aux filles mères, mais c'est de justesse. Pour obtenir son pardon, elle se dépensa sans compter, tint la maison de ses parents, à Meudon puis à Paris, se fit gouvernante, infirmière, majordome, dame de compagnie, servante, sans pouvoir désarmer l'agacement muet de sa mère. Louise trouvait fastidieux de faire le menu tous les matins et les comptes tous les soirs mais elle supportait mal qu'on les fît à sa place; elle se laissait décharger de ses obligations en s'irritant de perdre ses prérogatives. Cette femme vieillissante et cynique n'avait qu'une illusion; elle se croyait indispensable. L'illusion s'évanouit: Louise se mit à jalouser sa fille. Pauvre Anne-Marie: passive, on l'eût accusée d'être une charge; active, on la soupçonnait de vouloir régenter la maison. Pour éviter le premier écueil, elle eut besoin de tout son courage, pour éviter le second, de toute son humilité. Il ne fallut pas longtemps pour que la jeune veuve redevînt mineure: une vierge avec tache. On ne lui refusait pas l'argent de poche: on oubliait de lui en donner; elle usa sa garde-robe jusqu'à la trame sans que mon grand-père s'avisât de la renouveler. A peine tolérait-on qu'elle sortît seule. Lorsque ses anciennes amies, mariées pour la plupart, l'invitaient à dîner, il fallait solliciter la permission longtemps à l'avance et promettre qu'on la ramènerait avant dix heures. Au milieu du repas, le maître de maison se levait de table pour la reconduire en voiture. Pendant ce temps, en chemise de nuit, mon grand-père arpentait sa chambre à coucher, montre en main. Sur le dernier coup de dix heures, il tonnait. Les invitations se firent plus rares et ma mère se dégoûta de plaisirs si coûteux.

La mort de Jean-Baptiste fut la grande affaire de ma vie: elle rendit ma mère à ses chaînes et me donna la liberté.

Il n'y a pas de bon père, c'est la règle; qu'on n'en tienne pas grief aux hommes mais au lien de paternité qui est pourri. Faire des enfants, rien de mieux; en avoir, quelle iniquité! Eût-il vécu, mon père se fût couché sur moi de tout son long et m'eût écrasé. Par chance, il est mort en bas âge; au milieu des Énées qui portent sur le dos leurs Anchises, je passe d'une rive à l'autre, seul et détestant ces géniteurs invisibles à cheval sur leurs fils pour toute la vie; j'ai laissé derrière moi un jeune mort qui n'eut pas le temps d'être mon père et qui pourrait être, aujourd'hui, mon fils. Fut-ce un mal ou un bien? Je ne sais; mais je souscris volontiers au verdict d'un éminent psychanalyste: je n'ai pas de Sur-moi.

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Порфирий — древнегреческий философ, представитель неоплатонизма. Ученик Плотина, издавший его сочинения, автор жизнеописания Плотина.Мы рады представить читателю самый значительный корпус сочинений Порфирия на русском языке. Выбор публикуемых здесь произведений обусловливался не в последнюю очередь мерой малодоступности их для русского читателя; поэтому в том не вошли, например, многократно издававшиеся: Жизнь Пифагора, Жизнь Плотина и О пещере нимф. Для самостоятельного издания мы оставили также логические трактаты Порфирия, требующие отдельного, весьма пространного комментария, неуместного в этом посвященном этико-теологическим и психологическим проблемам томе. В основу нашей книги положено французское издание Э. Лассэ (Париж, 1982).В Приложении даю две статьи больших немецких ученых (в переводе В. М. Линейкина), которые помогут читателю сориентироваться в круге освещаемых Порфирием вопросов.

Порфирий

Философия