Héloïse rentre à Paris après avoir épousé secrètement Abélard. Elle est alors nommée prieure du couvent d’Argenteuil – quoique mariée… Fulbert, parrain et tuteur d’Héloïse, n’accepte pas cette situation. Au comble de la fureur contre le couple passionné – car Abélard est venu retrouver son épouse dans son couvent – il recrute des écorcheurs et les charge de châtrer l’amant ! Le scandale est énorme ! Le roi Louis VI, mis au courant de l’affaire, ordonne que la justice soit promptement rendue. Ce qui est fait : les deux châtreurs sont à leur tour châtrés, et, de plus, on leur crève les yeux. Fulbert qui, pourtant, est le donneur d’ordres, ne subit que la privation des bénéfices liés à son chapitre !
Abélard et Héloïse n’en continuent pas moins de s’aimer – surtout Héloïse –, mais leur passion devient plus spirituelle. Abélard doit quand même quitter Paris. Pendant un certain temps, il va mener une vie errante qui le conduit à Saint-Denis, puis en Bretagne, à Saint-Gildas-de-Rhuys, et enfin en Champagne où saint Bernard, régulièrement, le morigène. Il l’oblige à vivre dans une vallée sauvage. C’est là, près de Nogent-sur-Seine, qu’il fonde l’abbaye du Paraclet, voué à l’esprit saint consolateur. Et qui donc en devient la première abbesse ? Héloïse, que son mari va élever vers la plus fine spiritualité ! Elle le restera pendant trente-trois ans, jusqu’à sa mort en 1164 !
En attendant, elle ne cesse d’écrire à Abélard, lui posant par exemple quarante-deux questions sur les problèmes de l’interprétation des écritures saintes, terminant par le véritable objet de ses demandes d’éclaircissement : peut-on pécher en accomplissant ce qui est permis et même ordonné par Dieu ? Autrement dit, sont-ils tous les deux coupables de s’aimer dans leur chair au point d’avoir eu un enfant hors des lois de la religion ? Abélard ne répond que mollement à toutes ces lettres, il paraît distant et se raccroche à une certaine idée du mariage où il est préférable de réprimer les désirs de la chair. Il est vrai qu’il ne peut guère défendre une autre thèse désormais.
Abélard poursuit sa carrière de théologien et philosophe, mais les positions qu’il prend et les thèses qu’il défend ne plaisent pas à sa hiérarchie : il est condamné à deux reprises, au concile de Soissons en 1121, et de Sens en 1140. Il meurt le 21 avril 1142, à Saint-Marcelles-Chalons, auprès de l’abbé de Cluny, Pierre le Vénérable. Son corps, sans tarder, est transporté au Paraclet, chez Héloïse. Lorsqu’elle meurt, vingt-deux ans après son amant, sa dépouille rejoint celle d’Abélard. La légende rapporte que, lorsque Héloïse fut déposée dans le cercueil, le bras d’Abélard qui semblait l’attendre se referma doucement sur elle. Aujourd’hui, les amants sont réunis pour toujours au cimetière du Père Lachaise à Paris sous un monument néogothique, avec cette épitaphe : « Tous les deux réunis jadis par l’étude, par l’esprit, par l’amour, par des nœuds infortunés et par le repentir. »
Les Montfort ou les Penthièvre ? Quel clan va l’emporter dans la guerre de succession qu’ils se sont déclarée pour gouverner le duché de Bretagne au milieu du XIVe
siècle ? Les Anglais sont venus compliquer la lutte en soutenant les Montfort, ce qui leur permet de piller les campagnes et de rançonner les paysans ! En 1351 va se dérouler un surprenant épisode de cette histoire de succession. Il s’agit d’un combat à la fois héroïque et sans réelles conséquences sur les affaires bretonnes. Un combat inclassable, une affaire d’honneur : Jean de Beaumanoir va lancer aux Anglais un incroyable défi !En colère, le chef breton Jean de Beaumanoir, fidèle du clan Penthièvre ! En colère contre Tête de Blaireau. Qui est Tête de Blaireau ? Il s’agit de Richard-Robert Bemborough. Les Bretons l’appellent par dérision et déformation du nom : Pen broc’h, ce qui signifie… tête de blaireau. Ce capitaine anglais qui combat pour le compte du clan Montfort vient de bénéficier d’une promotion par le lieutenant général du roi d’Angleterre en Bretagne : il a été nommé commandant de la garnison de Ploërmel (dans le Morbihan actuel). Mais il se comporte en tyran avec la population des environs. Jean de Beaumanoir, commandant de la place de Josselin – située à douze kilomètres de Ploërmel –, en est si scandalisé qu’il décide d’aller signifier son mécontentement à Tête de Blaireau. Le 23 mars 1351, il se met en chemin pour Ploërmel.