Son indignation atteint son comble lorsqu’il rencontre une troupe de pauvres paysans enchaînés par deux et que des soldats anglais poussent devant eux, comme du bétail. Arrivé à Ploërmel, il exige de Bemborough des adoucissements dans le traitement des populations environnantes. L’entrevue tourne court : Bemborough ne veut rien entendre ! Alors, avant de quitter les lieux, Jean de Beaumanoir lui lance un défi : ce conflit peut se régler de façon chevaleresque. Il suffit de réunir dans chaque camp trois chevaliers qui s’affronteront à mort, selon les règles de l’honneur. Le vainqueur y gagnera la place forte commandée par l’autre ! Séduit par l’idée, Tête de Blaireau accepte, mais pour un combat de trente chevaliers dans chaque camp.
Le 26 mars 1351, les soixante combattants se rassemblent au lieu-dit « La lande de Mi-voie », entre Josselin et Ploërmel. Ils se disposent en deux lignes de part et d’autre d’un gros chêne, sous le regard d’une foule nombreuse à laquelle il est interdit de porter secours aux adversaires sous peine de mort. Au signal, les chevaliers aux lourdes armures s’élancent les uns contre les autres. Le choc est terrible. Le combat fait rage et bientôt, l’un des Bretons de Josselin est fait prisonnier par les Anglais, deux de ses compagnons sont tués. De part et d’autre, la fatigue se fait sentir et une trêve est décidée d’un commun accord. Chacun en profite pour se rafraîchir. Puis, c’est la reprise. Tête de Blaireau se précipite sur Beaumanoir et lui demande de se rendre. Il reçoit alors un violent coup au visage, tombe, se relève, exige encore la reddition de Beaumanoir, mais un coup de hache lui coupe définitivement la parole. Tête de Blaireau est mort ! C’est un coup dur pour les Anglais.
Beaumanoir doit s’interrompre : il a tant reçu de coups de toutes sortes qu’il va s’asseoir sous le chêne. Le sang lui coule dans la bouche. Il demande à boire. Un de ses adversaires passant par là lui répond : « Bois ton sang, Beaumanoir ! La soif te passera ! » Le combat se poursuit, violent, acharné. La situation est indécise. Guillaume de Montauban, fidèle de Beaumanoir, va dénouer la situation : il enfourche son cheval et bouscule les Anglais qui s’étaient formés en carré. Les Bretons s’engouffrent dans la brèche, et se battent avec une ardeur telle que leurs ennemis se rendent. Ils sont emmenés prisonniers à Josselin où les vainqueurs sont accueillis en héros. Bien des années plus tard, un vieux chevalier vint s’asseoir à la table du roi de France; son visage couturé de cicatrices témoignait de sa bravoure. Ce chevalier qu’avait invité le roi Charles V, fasciné par l’exploit breton, s’appelait Even Charuel de Plouigneau : c’était un survivant du combat des Trente.
Jamais sans doute il n’exista pire meurtrier que Gilles de Rais. Ses crimes dépassent l’imagination et remplissent d’horreur ! Des petits pâtres, des enfants insouciants que leurs parents, paysans, cherchent des jours et des nuits, et ne reverront jamais. Des centaines de disparitions signalées dans les forêts de Machecoul, de Tiffauges. Jusqu’au jour où…
Gilles de Rais. Un nom à faire frémir ! Et pourtant, ce compagnon de Jeanne d’Arc, présent à Orléans et au sacre de Reims, fait maréchal de France par Charles VII, s’est distingué par une carrière militaire exemplaire. Lorsque Jeanne est brûlée vive, Gilles retourne dans ses terres vendéennes, au château de Tiffauges. Gilles de Rais est né à Champtocé, en Anjou, à l’automne 1404. C’est l’arrière-petit-neveu de Bertrand du Guesclin, il appartient à l’une des familles les plus puissantes du royaume. Son père, Guy de Laval, étant mort le 28 septembre 1415, son grand-père Jean de Craon, un homme taciturne et cruel, va se charger de son éducation.
C’est à la mort de ce grand-père détesté en 1432 que les crimes de Gilles de Rais vont commencer. À la tête d’une petite troupe de rabatteurs et d’assassins, il va tuer des enfants et des adolescents dans ses quatre résidences : Tiffauges, la maison de Suze à Nantes, Champtocé et Machecoul. Dans les campagnes, les paysans ne cessent de signaler la disparition de leurs enfants : Jeannot Roussin, 9 ans, Jean Degrepie, 12 ans, Jean Hubert, 14 ans, Jean Fougère, 12 ans, Perrot Dagaye, 10 ans… La liste, si elle était complète, comporterait plus de 800 noms !