Le plan du roi de France peut entrer dans sa phase finale. Mais Otton a tout appris et il s’est installé à Bouvines, choisissant un plateau solide pour l’excellente infanterie anglo-normande – avec le chaud soleil de juillet dans les yeux. On pense du côté des Français que les coalisés ne se battront pas un dimanche, jour de la paix de Dieu. Mais Frère Guérin – le conseiller de Philippe –, qui est monté sur un tertre et a vu les ennemis se ranger en position de combat, est sûr du contraire. Que faire ? Il est midi, ce dimanche 27 juillet 1214, quand la décision est prise : Philippe qui se repose sous un frêne, ayant déposé son armure et buvant du vin dans un saladier, apprend par frère Guérin que son arrière-garde est attaquée par Otton : il faut y aller ! L’armée de Philippe et celle d’Otton vont bientôt se faire face. Philippe dispose de 1 200 chevaliers, 1 500 sergents à cheval, et 5 000 fantassins. Otton peut compter sur 1 500 chevaliers et près de 8 000 sergents à pied.
La bataille s’engage, sans aucune stratégie, sans tactique, on se lance simplement dans la mêlée en essayant d’aller le plus loin possible et de ne pas reculer. Philippe Auguste se trouve au centre de ses lignes. La piétaille (les gens à pied) des communes environnantes, venue prêter main forte aux chevaliers français, crée une telle mêlée que les armées ennemies en profitent et s’avancent jusqu’au roi Philippe ! Agrippé avec des piques, il est désarçonné, et il s’en faut de peu qu’un mauvais coup lui enlève la vie. Mais les chevaliers français qui ont vu la scène chargent et le libèrent. La bataille tourne alors en faveur des Français. Otton est désarçonné à son tour, son cheval est tué, il en enfourche un autre et s’enfuit. Philippe Auguste ordonne de ne pas le poursuivre. Il tient la victoire ! Le retour vers Paris est triomphal : toutes les cloches sonnent sur le passage des vainqueurs qui ramènent dans leurs bagages les deux comtes coalisés : Renaud et Ferrand. Ferrand qui permit au peuple en liesse d’ajouter un fleuron supplémentaire à la longue liste de ses phrases de circonstance : le voyant enchaîné et blessé, on lui lançait « Ferrand, tu es bien ferré » !
L’empereur germanique était considéré, avant Bouvines, comme le personnage le plus important après le pape. Désormais, après ce 27 juillet 1214, c’est Philippe Auguste qui prend cette place de deuxième dans la hiérarchie de l’Occident chrétien. Il met en place pour longtemps l’autorité des Capétiens, comme Charlemagne avait assis celle des Carolingiens. De plus Otton doit céder sa place à Frédéric II, un allié du roi de France. Le domaine d’Hugues Capet était étroit et dispersé, Philippe Auguste a multiplié par trois celui qu’il a reçu. À sa mort, en 1223, Philippe lègue à ses héritiers, à l’Église, à sa famille, aux croisades futures une somme considérable. Il laisse à ses successeurs Louis VIII le Lion – dont le règne ne dure que trois ans et qui meurt (mais non ! pas d’un accident de chasse !) d’une dysenterie – et à Louis IX, le futur Saint-Louis, une France parfaitement organisée, centralisée et qui n’attend que la bonne autorité et les compétences de sa descendance. Philippe Auguste qui a fait la France est mort un… 14 juillet !
Pour connaître la source du catharisme, il faut opérer un petit retour en arrière, remonter en 1170 : un marchand lyonnais qui vient de se rendre compte qu’il n’entrera pas au paradis parce qu’il est trop riche vend tout ce qu’il possède et fonde une communauté de pauvres. Il met la Bible à la portée de tous en la traduisant en une langue simple et claire. L’important, pour lui, est de retourner au christianisme primitif, celui qui secourt les indigents, non pas celui qui enrichit Rome. Ce prêcheur, Pierre Valdo, excommunié par l’archevêque de Lyon donne naissance à ce qui a été appelé le mouvement vaudois. Les Vaudois seront pourchassés et se réfugieront dans les Alpes où leur religion sera pratiquée plusieurs siècles. Cette déviation du dogme catholique dans la chrétienté s’appelle une hérésie. Et ceux qui y adhèrent, des hérétiques. Ce sont les cibles toutes désignées pour ceux qui demeurent fidèles au pape. Dans le même esprit, une autre hérésie se développe au XIIème
siècle. Elle concerne le Midi languedocien et porte ce nom lourd d’une histoire tragique : le catharisme.