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Le Witsec, le Witness Protection Program, un programme de protection des témoins, lui garantissait une nouvelle identité et un nouveau départ. Sa femme, soulagée, y avait vu une chance unique de donner à leurs gosses — une fille prénommée Belle, alors âgée de neuf ans, et un fils, Warren, de six — une enfance décente et un avenir hors du crime organisé. En témoignant, Manzoni avait fait tomber trois parrains de LCN[1], et cinq ou six de leurs équipiers directs, lieutenants et porte-flingues. Pour réduire leur peine, quelques-uns avaient balancé d’autres membres de la confrérie, et cette réaction en chaîne avait placé sous les verrous un total de cinquante et un individus.

Afin d’éviter les représailles des familles mafieuses qui avaient mis sa tête à prix pour la somme record de 20 000 000 $, Giovanni, sous haute protection du FBI, avait été relogé de nombreuses fois à travers les États-Unis, avant d’être exilé en France où, depuis une dizaine d’années, il s’était fait oublier. Aujourd’hui, son dispositif de surveillance se réduisait à un seul agent, qui veillait sur sa personne physique et contrôlait ses communications. Avec le célèbre Henry Hill, protégé par le FBI depuis 1978, ou encore le redoutable Fat Willy, Manzoni était l’un des repentis les plus célèbres du monde.

Fort de son passé, il perpétuait donc la tradition de l’aventurier américain qui, à l’age mûr, se doit de raconter ses exploits. Certains soirs de grande paix intérieure, il s’autorisait à penser que le destin l’avait fait naître dans une famille de gangsters à seule fin de devenir, plus tard, un auteur. Alors oui, dans son cas, il était bien forcé de souscrire à la sagesse populaire : à quelque chose malheur est bon. Il avait publié Du sang et des dollars puis L’empire de la nuit, signés du pseudonyme de Laszlo Pryor, faute de pouvoir signer Fred Wayne et encore moins Giovanni Manzoni.

Juste après le déjeuner, il s’installa à sa table de travail et commença un chapitre de son troisième ouvrage par une anecdote sur un de ses maîtres à penser, Alfonso Capone. Revenir sur l’enseignement des anciens lui paraissait essentiel.

Capone gardait toujours au fond de sa poche une poignée de macaronis crus. Quand une négociation se passait mal, il faisait craquer les pâtes entre ses doigts, ce que son interlocuteur identifiait comme le bruit de ses vertèbres broyées s’il refusait d’obtempérer.

*

Quand elle avait enterré sa vie de femme de gangster, Maggie avait cherché à se racheter aux yeux de Dieu en se mettant au service des plus démunis. Elle avait tout exploré, les organisations caritatives, les associations de quartier, les comités de soutien, et il s’en était fallu de peu qu’elle ne s’engageât dans une ONG qui luttait contre la famine à travers le monde. Maggie avait poussé le don de soi jusqu’au sacerdoce et s’imaginait un jour absoute d’avoir été Livia Manzoni, une first lady du crime organisé. Aux yeux des autres bénévoles, qui la traitaient de sainte, le cœur qu’elle mettait à l’ouvrage allait vite s’épuiser. Elle-même dut se rendre à l’évidence : la main qu’elle tendait vers le déshérité réclamait plus qu’elle ne donnait.

Son mari avait réussi avec une cruelle ironie à s’imaginer un avenir en puisant dans l’horreur de son passé. Chaque matin, il disparaissait dans une pièce vide qu’il appelait son bureau pour travailler à ce qu’il appelait son roman. Elle méprisait son travail d’écriture, qu’elle trouvait encore plus pitoyable que ses activités de mafieux, et pourtant, sans se l’avouer, elle l’enviait de croire à cette toute nouvelle vocation et de s’être donné les moyens de la vivre, lui, pas plus futé que la moyenne.

Selon elle, tout individu sur terre possédait un talent dont il devait faire profiter le plus grand nombre. Chez certains il s’imposait de lui-même, et les plus déterminés en vivaient, mais pour la majorité la réelle difficulté consistait à le découvrir en cours de route. S’agissait-il d’une passion toujours évoquée mais jamais accomplie ? D’un vieux rêve abandonné en chemin ? D’un don immense qui attendait l’âge mûr pour se révéler ? D’un hobby qu’on avait tort de ne pas prendre au sérieux ? D’un savoir-faire dont seul l’entourage bénéficiait ?

Maggie ne se sentait pas une âme d’artiste et se voyait plutôt comme une simple ouvrière qui, à force de patience et de travail, touchait à l’excellence. Après avoir déserté ses œuvres caritatives, elle avait cherché ce fameux geste dans son quotidien, dans ses quelques loisirs, et même dans ses tâches ménagères. Jusqu’à ce déjeuner du dimanche où elle avait eu la révélation.

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