Читаем Malavita encore полностью

Pour remercier un couple de voisins d’un service rendu, Maggie n’avait pas ménagé sa peine. Le plat principal allait être servi, et sa petite famille n’avait pu s’empêcher de faire des effets d’annonce. Fred avait prétendu avoir épousé Maggie pour son corps mais être resté avec elle pour ses melanzane alla parmiggiana. Belle avait prévenu d’un Vous allez voir, c’est une damnation, ce truc, et Warren, que rien n’ennuyait plus que les conversations de voisinage, s’était présenté à table juste au moment des aubergines. Les invités, sommés de trouver le plat divin, s’étaient pourtant laissés prendre par un tourbillon de saveurs inconnues, tout en contraste, où le fruité, le piqué et le moelleux composaient une délicate alchimie.

— Maggie, non seulement ce plat est ce que j’ai mangé de meilleur de toute ma vie, dit le mari, mais c’est aussi le meilleur que je mangerai jamais.

— Ne dites pas ça devant votre femme, Étienne.

— Je suis entièrement d’accord avec lui, ajouta celle-ci. Mon père était cuisinier chez Lepage, à Lyon. J’aurais aimé qu’il soit encore des nôtres pour pouvoir goûter à vos aubergines.

Maggie savait combien ses melanzane alla parmiggiana avaient déclenché de passions à travers les époques, combien de mafieux auraient craché dans la pasta de leur mamma pour une portion de ses aubergines. Beccegato en personne, le restaurateur des clans Manzoni, Polsinelli et Gallone, avait retiré sa parmiggiana de la carte après avoir goûté celle de Maggie. Il s’était prosterné pour connaître son secret, mais il n’y en avait pas, tous les ingrédients étaient connus, la recette aussi ; seul le tour de main de la cuisinière savait créer ce délicieux chaos du palais. Maggie n’était pourtant pas meilleure cuisinière qu’une autre, elle n’explorait pas les livres de recettes, improvisait rarement, et goûtait assez peu l’art d’accommoder les restes. Elle se contentait de maîtriser les deux ou trois plats que les siens lui réclamaient sans jamais se lasser, ce qui avait forgé au fil des années sa virtuosité exceptionnelle.

Pourquoi chercher plus loin que l’évidence, pourquoi espérer mieux que la perfection ? Elle n’aurait pas la destinée d’une sainte, pas plus qu’elle ne se voyait vieillir en dame patronnesse, alors pourquoi se priver de l’idée folle d’exprimer son seul talent dans un lieu où le partager avec des inconnus ? À cinquante ans passés, allait-elle se résoudre à vivre en deçà d’elle-même, à nier son désir de bien faire, à freiner son énergie capable de soulever des montagnes, et à oublier l’idée d’épater Dieu pour s’attirer ses bonnes grâces ?

*

Les contes de fées n’existent pas, même pour les fées. Combien de fois les parents de Belle le lui avaient-ils répété. Une manière de lui dire que malgré son corps de rêve, malgré son visage d’ange, la vie ne l’épargnerait pas plus qu’une autre et peut-être moins.

Belle, elle l’était depuis toujours. Avant leur exil, dans la maison de Newark, voisins et amis admettaient que, même comparée à leur propre fille, celle des Manzoni avait la grâce d’une madone. « Faites-lui faire des publicités ! Des concours de mini miss ! »

Belle n’avait pas même eu le temps de subir de telles épreuves : son enfance de princesse avait été bouleversée par le témoignage de son père au « Procès des cinq familles ». Les Manzoni avaient été mis en quarantaine, condamnés à la clandestinité et à la fuite permanente. Belle avait dû attendre son arrivée en France pour se montrer à nouveau au grand jour et retrouver son éclat. Par chance, elle avait gardé intactes sa fraîcheur et sa spontanéité, elle était restée curieuse des autres et n’en voulait pas à son père du chemin de croix qu’il leur avait imposé.

Désormais, elle avait quitté le programme Witsec, pris son indépendance et commencé sa vie de jeune femme comme les autres. Mais qu’elle le veuille ou non, Belle n’était pas comme les autres. Elle vivait à Paris, dans un petit meublé de la rue d’Assas, dont elle ne partirait pas tant qu’elle n’aurait pas terminé ses études de psycho. « Pourquoi psycho ? » lui avait demandé sa mère, qui n’avait pas volé la réponse : « Compte tenu des variétés très particulières de stress et de perturbations nerveuses que j’ai vécues depuis l’enfance, je me suis dit qu’une phase théorique m’aiderait à étayer une base pratique déjà solide. » Belle n’acceptait aucune aide de ses parents et avait, dans un premier temps, refusé de gagner le moindre sou grâce à son physique. Pourtant, après divers jobs de serveuse mal payés, lassée de se faire draguer par deux clients sur trois, elle avait dû revenir sur ses beaux principes. Pendant qu’elle jouait les hôtesses d’accueil lors d’un congrès médical, une collègue lui avait assuré qu’en une séance de pose pour une affiche publicitaire, elle pourrait gagner l’équivalent d’un temps plein au Salon de l’auto.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Край непуганых Буратино
Край непуганых Буратино

Красота спасет мир, но погубит ваш кошелек. Виола Тараканова узнала, сколько денег хочет за свои услуги салон красоты, и рассердилась. Именно в эту минуту ей позвонила подруга Елена Калинина и сообщила о внезапной кончине своей домработницы Екатерины. Вилка помчалась к подруге и оказалась в клубке самых неприятных событий, ведь вслед за Катей в больницу отвезли почти всю семью Калининых! Виола и ее муж Степан выяснили, что все домочадцы отравились ядом редкого животного— амазонского двузуба. Отрава была в блюде из морепродуктов, которым семья ужинала накануне. Вся семья, кроме дяди Кирилла… Конечно, он первый подозреваемый, учитывая его криминальное прошлое. Однако даже видавшая виды Вилка была поражена в самое сердце, когда узнала, кто на самом деле злодей-отравитель!

Дарья Донцова

Иронический детектив, дамский детективный роман
Адрес отправителя – ад
Адрес отправителя – ад

Манана, супруга важного московского политика, погибла в автокатастрофе?!Печально, но факт.И пусть мать жертвы сколько угодно утверждает, что ее дочь убили и в убийстве виноват зять. Плоха теща, которая не хочет сжить зятя со свету!Но почему нити от этого сомнительного «несчастного случая» тянутся к целому букету опасных преступлений? Как вражда спонсоров двух моделей связана со скандальным убийством на конкурсе красоты?При чем тут кавказская мафия и тибетские маги?Милиция попросту отмахивается от происходящего. И похоже, единственный человек, который понимает, что происходит, – славная, отважная няня Надежда, обладающая талантом прирожденного детектива-любителя…

Наталья Николаевна Александрова

Детективы / Иронический детектив, дамский детективный роман / Иронические детективы / Криминальные детективы