Читаем Мои воспоминания. Под властью трех царей полностью

Dimanche 21. Je viens de traverser un moment des plus 'enivrants, un moment de triomphe de jouissance dont je me rappellerai toute ma vie. Nous din^ames aujourd’hui `a la Кавалерская avec Boris, Jorry et Numers. Le reste de la soci'et'e avait 'et'e engag'e chez la grande-duchesse. Apr'es le d^iner, Boris trouva mes vers sur le bal, que j’avais copi'es pour maman et qu’elle avait laiss'es sur sa table de toilette. S’en emparer, s’enfuir avec ne fut pour lui que l’affaire d’un instant. Le moment suivant me vit courir apr`es lui pour lui enlever le papier. Nous arriv^ames ainsi, moi le poursuivant sur le balcon, juste au moment o`u la soci'et'e revenant en bande du d^iner de la grande-duchesse passait devant nous. “Comte Fredro, comte Fredro, voulez vous lire les vers de ma soeur?” – cria Boris `a tue-t^ete. Et dans un moment Fredro attrappait le papier et se disposait `a le lire. “C[om]te Fredro, je vous en supplie, ne le lisez pas! rendez-le moi”, – criai-je de toutes mes forces. Mais Fredro ne voulut rien entendre et et se mit `a lire tout haut le reste de la soci'et'e en cercle autour de lui. Je ne pouvais rien faire! J’'etais au comble de la confusion, je me tus, je fis comme les autres, j’'ecoutai. Fredro lisait cependant, il lisait avec expression d’approbation, qu’un murmure confirmait. Je suivais avec avidit'e chacune des paroles, qui sortaient de sa bouche. Mes vers me sembl`erent m'elodieux, un horizon sans bornes s’ouvrait devant moi, une jouissance pure enivrante faisait fr'emir mon ^ame, je me sentais po`ete enfin! Et cette conviction descendit sur moi avec son aur'eole que le monde ne connait pas, car il ne donne rien qui у ressemble. Le сiel, le soleil couchant, dont les rayons jouaient avec les arbres, la brise qui caressait mon visage tout semblait m’inviter `a un commerce doux fraternel, car l’^ame poetique et les merveilles de la nature vivent dans un accord plein d’harmonie. Pendant que j’'eprouvais ces diff'erents sentiments Fredro avait fini de lire. II monta chez nous. “Princesse, me dit il, je ne puis pas vous remercier de m’avoir laiss'e lire vos vers, car assur'ement il est impossible d’avoir mis plus de mauvaise gr^ace `a accorder cette permission, que vous ne l’avez fait, mais je remercie votre fr`ere pour la jouissance qu’il vient de me procurer”. Fredro me dit encore bien des choses du m^eme genre, j’en fus enivr'ee, j’en fus heureuse et je m’enfuis pour le confier `a l’heure m^eme `a ce cher et discret confident. Suis-je vraiment po`ete? Ah! Сe don serait trop divin pour mon ^ame!

Lundi 28 Juillet. Fredro nous parle de sa tristesse de quitter Oranienbaum. “Je ne puis vous exprimer, – nous dit-il, – la peine que j’'eprouve `a quitter cet Eldorado ce paradis sur la terre, o`u on est `a l’abri de toutes les pr'eoccupations de la vie, de toute inimiti'e de la part des hommes, o`u les plus graves soucis qu’on ait sont les craintes de n’avoir pas assez de fleurs pour les tableaux”. La tristesse de Fredro me gagna, je me sentis d’une m'elancolie vague, qui me suivit dans mes lectures. En effet c’est avec chagrin, que je vois la fin des bonnes relations, qui nous ont unis cet 'et'e. Deux jours restent encore, car le 25 la grande-duchesse part pour Strelitz et nous pour la ville d’abord et puis pour Stepanowsky. “Adieu, – me dit Fredro, en partant,– conservez moi un bon souvenir, et cultivez votre bien bien beau talent. N’arr^etez jamais l’essor de votre inspiration, lorsqu’elle se fera sentir et dans ces moments pensez un peu `a moi”. Ce soir nous e^umes une longue conversation tr`es confiante avec H'el`ene Strandman. Elle me dit que j’'etais tr`es dissimul'ee que je cachais avec soin mes sentiments et mes actions m^eme les plus simples, que j’'etais 'enorm'ement exalt'ee et qu’il у avait dans mon caract`ere de quoi souffrir beaucoup. Elle a peut ^etre raison, mais je m’'etonne qu’elle l’ait compris.

Перейти на страницу:

Похожие книги