Il se tait. Marie-Louise somnole, assise près de lui dans la voiture. On a déjà passé Meaux, Château-Thierry. On doit arriver en fin de journée à Châlons. Et l'on repartira demain à 4 heures du matin. Il entend le galop des chevaux de l'escorte. Lorsqu'on s'arrête pour changer les chevaux, il descend de la berline. Toute la route est occupée par les voitures du cortège. Il part pour la guerre et jamais cela n'a autant ressemblé au voyage d'un souverain qui s'en va visiter les États de ses alliés.
Il observe Marie-Louise. Elle a le visage détendu d'une femme fatiguée mais heureuse, puisqu'elle va pour la première fois depuis son mariage retrouver les siens à Dresde. Imagine-t-elle que la guerre est pour lui au bout du trajet ? Il pense à Joséphine, qui, lorsqu'il lui a rendu visite secrètement il y aune semaine, s'est accrochée à lui, en larmes, inquiète, pleine, a-t-elle dit, de songes noirs et de cauchemars. Il l'a enlacée, rassurée. Mais il l'a quittée ému.
Il remonte dans la voiture. Il ouvre l'un des portefeuilles. Il commence à lire l'exemplaire du
Sur qui peut-il compter vraiment ?
Il aperçoit sur les bords de la route les paysans rassemblés pour le voir passer. Ils sont silencieux, comme les populations de Mayence, de Francfort, de Bayreuth qui regardent le cortège sans manifester.
À l'étape de Mayence, il s'approche de Caulaincourt, l'interroge.
- Sans doute Votre Majesté ne veut pas faire la guerre à la Russie pour la Pologne seulement, dit le grand écuyer, mais bien pour ne plus avoir de concurrents en Europe et n'y voir que des vassaux et aussi pour satisfaire sa chère passion.
- Quelle est cette passion ?
- La guerre, Sire.
Caulaincourt est audacieux et bête. Napoléon lui tire l'oreille, lui donne une petite tape sur la nuque.
- Je n'ai jamais fait que des guerres politiques, dit Napoléon, et dans l'intérêt de la France. Elle ne peut rester un grand État si l'Angleterre conserve ses prétentions et usurpe les droits maritimes.
Il veut convaincre de cela les princes, les rois et l'empereur d'Autriche, qu'il va rencontrer à Dresde.
Caulaincourt répète que les souverains sont inquiets. Ils ne veulent pas être privés de leurs droits. Il sera difficile de les persuader d'agir aux côtés de l'Empereur.
Napoléon hausse les épaules.
- Quand j'ai besoin de quelqu'un, je n'y regarde pas de si près, je le baiserais au cul !
Il roule la nuit. Les feux qui ont été allumés sur les talus pour éclairer la route font sortir de l'ombre le visage de Marie-Louise. Il la réveille quand la voiture ralentit à l'entrée de Dresde.
Les salves d'artillerie retentissent, couvrant le son des cloches. Les cuirassiers, aux immenses casques, aux uniformes blancs qui forment une haie jusqu'au palais royal, portent des torches. Le roi et la reine de Saxe attendent devant le château.
Il descend. Il aime cet accueil majestueux. Lors du