Читаем Napoléon. L'empereur des rois полностью

Il fait le tour de la salle, les mains derrière le dos. Les souverains s'inclinent. Il reconnaît Goethe, ce petit homme qui est venu un matin à Erfurt assister à son lever. Il s'approche de lui.

- Monsieur Goethe, je suis charmé de vous voir.

Il regarde autour de lui. Il y a dans cette salle de bal, à l'exception peut-être d'Alexandre, tant de marionnettes ou d'automates, tant de bêtise cachée sous les uniformes et les décorations.

- Monsieur Goethe, vous êtes un homme. Je sais que vous êtes le premier poète tragique de l'Allemagne.

Près de Goethe se tient le dramarturge Wieland.

- Monsieur Wieland, dit Napoléon, nous vous appelons le Voltaire d'Allemagne.

Napoléon se tourne. Alexandre danse toujours.

- Mais pourquoi, reprend Napoléon, écrivez-vous dans ce genre équivoque qui transporte le roman dans l'histoire et l'histoire dans le roman ? Les genres, dans un homme aussi supérieur que vous, doivent être tranchés et exclusifs. Tout ce qui est mélange conduit aisément à la confusion...

- Les pensées des hommes valent quelquefois mieux que leurs actions, dit Wieland, et les bons romans valent mieux que le genre humain.

Napoléon secoue la tête.

- Savez-vous ce qui arrive à ceux qui montrent toujours la vertu dans des fictions ? C'est qu'ils font croire que les vertus ne sont jamais que des chimères. L'histoire a été bien souvent calomniée par les historiens eux-mêmes...

Ils s'interrompt.

- Tacite, reprend-il, connaissez-vous un plus grand et souvent plus injuste détracteur de l'humanité ? Tacite ne m'a jamais rien appris. Aux actions les plus simples, il trouve des motifs criminels. N'ai-je pas raison, monsieur Wieland ?

Il montre la salle de bal.

- Mais je vous dérange ; nous ne sommes pas ici pour parler de Tacite. Regardez comme l'empereur Alexandre danse bien.

Il écoute Wieland lui dire qu'il est un empereur qui parle en homme de lettres.

- Je sais que Votre Majesté ne dédaigne pas ce titre.

Napoléon se souvient. Il a parfois rêvé d'être écrivain, à la manière de Jean-Jacques. C'était si loin d'ici, dans cette chambre de Valence. Wieland et Goethe parlent maintenant des passions des hommes qui un jour seront maîtrisées par la raison.

Napoléon fait un pas, commence à s'éloigner, lance :

- C'est là ce que disent tous nos philosophes. Mais cette force de raison, je la cherche, et je ne la vois nulle part.

Tout à coup il se sent las, seul au milieu de cette foule parée. Il a brusquement la certitude qu'il se trompe sur Alexandre, qu'il s'abuse en croyant qu'il va réussir à l'amener sur ses positions.

Qui sait si l'empereur n'est pas soutenu dans sa résistance par Talleyrand et Caulaincourt, des hommes qui jouent leur propre partie, l'un si vénal et si habile, et l'autre si désireux de la paix, prêts l'un et l'autre à dévoiler ma stratégie pour que je ne sois pas vainqueur ?

Il reste éveillé toute la nuit bien que la fatigue se soit abattue sur lui et lui donne le sentiment que son corps est pesant. Il respire mal. Il souffre de l'estomac. Son ventre lui semble gonflé, énorme. Il essaie de se calmer. Il trace quelques lignes pour Joséphine.

« J'ai reçu, mon amie, ta lettre. Je vois avec plaisir que tu te portes bien. J'ai asssisté au bal de Weimar. L'empereur Alexandre danse, mais moi non, quarante ans sont quarante ans.

« Ma santé est bonne, au fond, malgré quelques petits maux.

« Adieu, mon amie.

« Tout à toi. J'espère te voir bientôt.

« Napoléon »

Au matin, il a décidé de savoir ce qu'il doit penser des intentions du tsar.

Il ne répond pas à Alexandre qui, en entrant dans le salon où a lieu chaque jour leur entretien, lui parle avec enthousiasme du bal de Weimar, de la grâce et de la distinction de la princesse Stéphanie de Beauharnais, épouse de Charles, prince héréditaire de Bade et frère de l'impératrice de Russie.

- Stéphanie de Beauharnais, ma belle-sœur, dit Alexandre.

Napoléon écoute, puis, d'une voix sèche, évoque l'Autriche, les menaces de guerre qu'elle fait peser sur la France. Une intervention diplomatique d'Alexandre Ier est la seule manière de maintenir la paix. Le tsar est-il décidé à s'engager ?

Alexandre paraît ne pas avoir entendu.

Il faut savoir.

Napoléon prend son chapeau, le jette à terre, le piétine, crie qu'il veut une réponse précise. Alexandre se lève, se dirige vers la porte.

- Vous êtes violent, moi je suis entêté, dit-il. Avec moi, la colère ne gagne rien. Causons, raisonnons, ou je pars.

Napoléon lui saisit le bras en riant, l'entraîne vers le centre du salon, s'assoit près de lui, bavarde.

- Stéphanie de Beauharnais est une femme d'esprit, dit-il.

Maintenant, il sait.

Alexandre ne signera jamais une alliance l'engageant aux côtés de la France contre l'Autriche.

Voilà enfin les positions des uns et des autres éclaircies.

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