Il reçoit le prince Schwarzenberg, redevenu ambassadeur à Paris. Ce mardi 13 avril, le parc de Saint-Cloud bruisse du printemps revenu. Les fenêtres du grand salon de réception sont ouvertes.
Napoléon entraîne Schwarzenberg vers une croisée. Il évoque les succès obtenus par le prince et son corps de troupes durant la campagne de Russie. Il ne dit rien de l'armistice conclu avec les Russes.
Le prince écoute, paraît gêné. Il n'ose répondre aux questions.
L'empereur François Ier
accepterait-il, pour renforcer notre alliance, demande Napoléon, que je lui cède les provinces illyriennes ? L'Autriche atteindrait ainsi à nouveau aux rives de l'Adriatique.Que faire d'autre que paraître ignorer cela, qu'appeler le prince Schwarzenberg « mon cher ami », que le prendre par le bras, le raccompagner dans les longues galeries du château de Saint-Cloud ? Et se déclarer enchanté de cet entretien de près de quatre heures où rien n'a été tranché !
Il regarde le prince Schwarzenberg s'éloigner.
Peut-être s'est-il montré trop conciliant avec lui ?
Il va partir pour rejoindre les armées en Allemagne. Si souvent déjà il a quitté la France par cette route qui passe par Sainte-Menehould et va vers Mayence.
Louis XVI en fuite avec sa reine autrichienne a pris cette route-là, où il devait être reconnu et arrêté.
Il quitte le château de Saint-Cloud le jeudi 15 avril 1813 à quatre heures du matin.
À vingt heures, il dîne à Sainte-Menehould. Il passe à Metz à sept heures, le vendredi 16. Et il arrive à Mayence ce même jour à minuit.
Il a roulé plus de quarante heures.
Quatrième partie
La mort s'approche de nous
16 avril 1813 - 9 novembre 1813
11.
Il est assis, il écrit. Il est six heures du soir, ce samedi 17 avril 1813.
« Ma bonne Louise,
« Je suis arrivé le 16 à minuit à Mayence. Je n'ai pas reçu de lettres de toi aujourd'hui. Il me tarde d'apprendre comment tu te portes et ce que tu fais. Dis-moi que tu as été sage et que tu as du courage. J'ai comme tu le peux penser beaucoup d'ouvrage. Le grand maréchal Duroc n'est pas encore arrivé. »
Il se lève, va jusqu'à la croisée. Sur la place de Mayence, de jeunes soldats manœuvrent, et tout à coup l'un d'eux a dû l'apercevoir. Ils dressent leurs fusils, crient : « Vive l'Empereur. » Il se recule, attendant que les acclamations cessent. Les tambours battent, leurs roulements s'approchent et s'éloignent avec ces coups de vent qui, toute cette journée du 17 avril, se sont succédé.
Il n'est pas sorti depuis son arrivée hier à minuit. Il a écouté les aides de camp, lu les dépêches de Ney, d'Eugène de Beauharnais. Puis il a consulté les cartes avec Bacler d'Albe. Les Russes et les Prussiens ont avancé partout. Torgau est tombée. Ils ont été accueillis en triomphateurs et en libérateurs à Dresde.
Il reprend la plume.
« Il fait ici bien du vent.
« Embrasse mon fils sur les deux yeux. Écris à Papa François tous les huit jours, donne-lui des détails militaires et parle-lui de mon attachement pour sa personne. »
Il va vers les cartes. La nuit commence à tomber. Roustam entre et allume les chandeliers.
Les ombres s'allongent sur les parquets. D'un geste, il demande qu'on approche les bougies de la table. Bacler d'Albe a placé les unités ennemies sur la carte.