Il se lève.
Il ne veut pas penser à cela.
S'il est vaincu, alors il lui faudra seulement faire face, utiliser chaque événement pour tenter de reprendre le terrain, comme un régiment qui doit reculer en bon ordre et sauver ce qui peut l'être.
Le 30 mars 1813, dans la salle du Conseil, il reçoit l'Impératrice au milieu des dignitaires en grand apparat, « le cordon par-dessus l'habit », et en présence des princesses en longues robes décolletées. Il fait asseoir Marie-Louise près de lui. Elle va prêter serment, puisqu'elle est investie des responsabilités de la régence.
Elle commence à parler, d'une voix monocorde, avec son accent guttural qu'elle n'a pas perdu.
- Je jure fidélité à l'Empereur, dit-elle, je jure de me conformer aux actes des constitutions faites ou à faire par l'Empereur mon époux, dans l'exercice de l'autorité qu'il lui plairait de me confier pendant son absence.
Il n'a aucune illusion. Il dévisage ces dignitaires. Combien, parmi ceux-là, si obséquieux, qui baissent les yeux, lui resteraient fidèles, au point d'accepter que l'Impératrice et le roi de Rome gouvernent ?
Mais peut-être, grâce à cette désignation, l'Autriche n'entrera-t-elle pas dans la coalition, ou hésitera-t-elle à le faire, et lui laissera-t-elle ainsi le temps de vaincre ?
Il insiste pour que Marie-Louise écrive à son père. Il veille sur cette correspondance. « L'Empereur me charge de vous dire de jolies choses de sa part... L'Empereur se montre très affectueux pour vous », lui fait-il écrire.
Et Marie-Louise, avec une naïveté qui le touche, s'exécute.
« Il ne se passe de jour, ajoute-t-elle pour son père, où il ne me dise combien il vous aime... L'Empereur me dit de vous assurer de toute son amitié, et aussi de vous écrire souvent. Vous êtes bien sûr, mon cher papa, que je ne me laisserai pas dire cela deux fois ! »
Ce serait une « monstruosité » que de voir François Ier
déclarer la guerre à l'Empire que régente sa fille !Mais combien de temps ce « bon papa François » résistera-t-il à la tempête qui le pousse ?
Napoléon lit les dépêches, les rapports des agents français. L'Allemagne se soulève. Les troupes russes de Wittgenstein ont été accueillies à Berlin pour une foule en délire. Les professeurs, dans toutes les universités, ont suspendu leurs leçons. « Les cours reprendront, dans notre patrie libre, a dit le philosophe Fichte, ou bien nous serons morts pour reconquérir la liberté. »
Il se souvient de ce jeune homme, Staps, qui voulait le poignarder à Schönbrunn et dont la haine, le fanatisme fou l'avaient surpris. Il connaît les souverains.