Marie-Louise, à Fontainebleau, dans le cercle restreint qui se réunit chaque soir malgré le froid des appartements pour « le jeu et un peu de musique », est heureuse. Mais elle ne doit pas seulement être l'épouse aimante. Il faut qu'elle écrive à François Ier
. Le lundi 25 janvier, Napoléon veut que le Concordat soit signé dans les appartements de l'Impératrice.Il observe Marie-Louise. Elle a une expression radieuse. Il lit la lettre qu'elle adresse à son père :
« Nous sommes depuis six jours à Fontainebleau, où l'Empereur a arrangé aujourd'hui les affaires de la chrétienté avec le pape. Le pape paraît très content. Il est très gai et en train depuis ce matin de bonne heure, et a signé le traité il y a un quart d'heure. J'arrive justement de chez lui, je l'ai trouvé très bien portant. Il a une très jolie figure, très intéressante ; je suis persuadée que vous apprendrez avec autant de plaisir que moi la nouvelle de cette réconciliation. »
Napoléon jubile. Bien sûr, cet accord n'est considéré par le pape que comme un avant-projet devant être approuvé par le Sacré Collège des Cardinaux. Mais il faut prendre de vitesse cette assemblée.
Napoléon, le samedi 13 février 1813, fait publier le Concordat dans la presse. Et, en France et en Italie, toutes les églises saluent l'événement en célébrant des
Il reçoit avec ironie l'envoyé de Metternich, l'Autrichien Bubna, l'interpelle, méprisant, au sujet de l'armistice que Schwarzenberg a signé à Zeyes avec les Russes.
- Vous voulez tirer votre corps auxiliaire du jeu, vous avez changé de système !
Mais il faudra que Vienne ait alors la franchise d'une rupture, que François Ier
ose affronter sa fille, qui sera peut-être régente, et un empereur qui est au mieux avec le pape.Qu'on sache bien cela, à Vienne, dit-il, et il le répétera devant le Corps législatif : « Je désire la paix mais je ne ferai qu'une paix honorable. »
Il se sent à nouveau maître du jeu.
- Dieu m'a donné la force et la joie d'entreprendre de grandes choses, dit-il. Je ne dois pas les laisser imparfaites.
Il feuillette
- Le clergé est une puissance qui n'est jamais stationnaire, ajoute-t-il. Ennemi s'il n'est pas ami, ses services ne sont pas gratuits. Il faut que le clergé s'occupe de nous réconcilier avec le Ciel, qu'il console nos femmes et nous, quand nous vieillirons, et qu'il nous abandonne la puissance de ce monde : roi dans le temple, sujet à la porte.
10.
Il est assis dans son cabinet de travail aux Tuileries. Il n'a pas tourné la tête lorsque Molé est entré. Il continue de regarder ce ciel partagé qui hésite entre l'hiver et le printemps, bleu vif parfois, puis bas et sombre, avec des giboulées rageuses.
C'est ce qu'il ressent en lui, ce balancement entre une énergie enthousiaste, cette volonté plus forte qu'il ne l'a jamais eue, et brusquement cet accès de lassitude.
Il a présidé de grandes parades et des revues durant le mois de février 1813, dans la cour des Tuileries, au Carrousel. Il a vu défiler ces régiments provisoires composés de conscrits à peine incorporés. Il est passé dans les rangs de la Jeune Garde. Il a confiance en ces hommes mais, malgré leurs uniformes et leurs fusils neufs, sont-ils déjà des soldats ? Ils sont bien tendres pour affronter le feu.
Mais ce n'est pas cela qui, tout à coup, brise son élan, le fait s'interrompre de dicter alors qu'au milieu de la nuit il est là, dans ce cabinet de travail, avec un secrétaire. Il prépare la campagne à venir, il organise les plantations de betteraves qui vont permettre de se passer du sucre des colonies, ou bien il précise qu'il ne veut plus, en campagne, voir autant de cuisiniers autour de lui : « Moins de vaisselle, aucun grand nécessaire, et cela autant pour donner l'exemple que pour diminuer les embarras. »
Mais tout à coup la voix lui manque.
Tout cela, il l'a déjà vécu. Il l'a déjà dit. Il l'a déjà vu. Il a le sentiment qu'il répète, qu'il retrouve les traces de ses pas. Mais qu'il n'a plus la légèreté, la hargne et l'avidité d'autrefois. L'énergie lui reste, mais comme une habitude.
Il a chassé deux jours de suite au bois de Boulogne. Il a participé à un bal masqué chez Hortense, et c'est lui qui avait ordonné qu'il soit organisé. Et il n'a éprouvé aucune joie. Vivre, vaincre devient un recommencement. Il est une machine. Il tourne parce qu'il a tourné. Il fait des plans de campagne pour bousculer les troupes qui lui seront opposées, russes, prussiennes aussi, sans doute. Les itinéraires qu'il trace sur les cartes d'Allemagne surgissent de son esprit presque sans effort.
Il connaît ces collines, ces fleuves et ces villes. Il a déjà parcouru maintes fois ces chemins. Il a défait toutes les armées possibles. Pourra-t-il faire mieux qu'à Austerlitz, qu'à Iéna, qu'à Wagram ?