Читаем Orchéron полностью

Ankrel grimaça : il détestait à présent ce « petit frère » dont son aîné se croyait obligé de ponctuer chacune de ses phrases. Le sentier de Maran était peut-être glorieux, mais il renvoyait chacun à sa solitude, à ses abîmes, en aucun cas à des sentiments fraternels. C’était une famille usurpée, fondée sur la foi, liée par le sang, qui divisait ses enfants au lieu de les rassembler.

« Tu m’as dit l’autre jour qu’on n’a jamais vu les membres d’un même corps se battre entre eux. C’est pourtant bien ce qui a failli se passer entre toi et moi avant l’abattage de la yonkine, c’est bien ce qui s’est passé entre Mazrel et toi.

— Mazrel a renié le nom de Maran. Il ne faisait plus partie de ses fils, il n’était plus un membre de son corps. Et si nous avions dû nous battre, je ne t’aurais jamais tué.

— Comment comptes-tu chasser les umbres si nous ne trouvons pas l’homme que nous recherchons ? »

À nouveau, Jozeo se nettoya les ongles avec la pointe de sa lame.

« Nous essaierons de boucher la porte par laquelle ils sortent. De les emmurer dans leur nid.

— S’ils nous en laissent le temps…

— Tu as donc déjà oublié mes leçons, petit frère ? Entre le chemin des lakchas et le chemin des chanes…

— Il n’y a que l’espace d’une décision », marmonna Ankrel.

Jozeo eut un sourire qui lui retroussa la lèvre supérieure et donna un charme étrange, sauvage, à son visage émacié. La bise pourtant rageuse ne parvenait pas à soulever ses mèches brunes collées par la poussière et la transpiration.

« Nous n’aurons sans doute que très peu de temps pour prendre une décision, dit-il. Comme devant un yonk lancé en pleine course. Fasse Maran que ce soit la bonne.

— J’aurais… »

Ankrel s’interrompit pour étouffer l’émotion qui lui étranglait la voix et lui agaçait les yeux.

« Tu aurais quoi ?

— Voulu connaître une femme ailleurs que dans une grange en ruine et au milieu d’un cercle de protecteurs. Connaître une femme dans l’intimité de sa chambre.

— Qu’est-ce qui t’en empêcherait ? Tu plais beaucoup, Ankrel. Les femmes se bousculeront pour t’attirer dans leur lit !

— Possible, mais je ne crois pas que nous reviendrons un jour à Cent-Sources. »

Jozeo ne trouva rien à répondre, il se contenta de hocher la tête d’un air grave comme s’il avait toujours su que sa vie, que leurs vies s’arrêteraient un jour sur ce continent désert.

« Va donc voir ce qu’ils fabriquent, petit frère. »

Stoll et Gehil n’étaient toujours pas remontés alors que Jael avait entamé depuis un bon moment sa plongée vers l’ouest. Ankrel faillit demander à Jozeo pourquoi il n’y allait pas lui-même, puis il se ravisa, pas fâché dans le fond de bouger, de mettre fin à une attente qui devenait pesante. Les yonks, qui s’étaient égaillés dans les allées de la cité, se réfléchissaient parfois à l’infini sur les façades inclinées et teintées d’ocre par les rayons de Jael.

Ankrel s’engouffra sous le socle de la statue et s’élança dans l’escalier qui, éclairé à intervalles réguliers par des solarines enchâssées dans le métal, plongeait en spirale autour d’un axe. Il dévala d’abord les marches quatre à quatre, puis, rapidement rattrapé par sa fatigue, deux à deux et, enfin, quand un point de côté lui cisailla le bas du ventre, une à une.

Il atteignit le gouffre à l’issue d’une descente interminable, oppressante – et Jozeo, parfaitement informé par le cercle ultime, le savait sans doute, qui chargeait ses frères d’une corvée exténuante tandis qu’il se reposait tranquillement à la surface.

« Stoll ! Gehil ! »

La voix d’Ankrel se répercuta sur les parois et les voûtes et se prolongea en échos décroissants dans les autres salles. Avant même d’avoir franchi les dernières marches et sauté sur le sol, il aperçut les quatre gourdes qui gisaient au bord de la nappe.

« Stoll ! Gehil ! »

Il s’avança vers la grande réserve d’eau dont les solarines éparses révélaient la surface noire et frissonnante. La température glaciale qui régnait dans la cavité l’étonna : le mathelle de Velaria jouxtait un ensemble de grottes où l’avaient souvent expédié ses jeux d’enfant, et jamais, même à la fin de l’amaya de glace où l’air restait frais, il n’avait rencontré un froid aussi intense dans le ventre des profondeurs.

Il se pencha pour ramasser les gourdes. Elles étaient à moitié pleines, preuve que les deux hommes avaient commencé à les remplir mais que quelque chose, ou quelqu’un, les avait empêchés de finir. Tenaillé par une soudaine inquiétude, il se releva, tira son poignard et scruta les zones de ténèbres. Plus loin, les marches de l’escalier jaillissaient comme des racines du bas de leur cage et se déployaient en spirales grises et amples sur toute la hauteur du gouffre.

« Stoll ! Gehil ! »

Перейти на страницу:

Все книги серии Abzalon

Похожие книги

Аччелерандо
Аччелерандо

Сингулярность. Эпоха постгуманизма. Искусственный интеллект превысил возможности человеческого разума. Люди фактически обрели бессмертие, но одновременно биотехнологический прогресс поставил их на грань вымирания. Наноботы копируют себя и развиваются по собственной воле, а контакт с внеземной жизнью неизбежен. Само понятие личности теперь получает совершенно новое значение. В таком мире пытаются выжить разные поколения одного семейного клана. Его основатель когда-то натолкнулся на странный сигнал из далекого космоса и тем самым перевернул всю историю Земли. Его потомки пытаются остановить уничтожение человеческой цивилизации. Ведь что-то разрушает планеты Солнечной системы. Сущность, которая находится за пределами нашего разума и не видит смысла в существовании биологической жизни, какую бы форму та ни приняла.

Чарлз Стросс

Научная Фантастика