Читаем Orchéron полностью

Un vol d’umbres se détacha de l’obscurité qui rôdait encore au fond de la gorge et s’envola avec lenteur dans le ciel incertain du petit matin. Malgré la protection de Double-Poil, Orchéron ressentit l’onde de froid qui se propageait dans leur sillage. La clarté du jour naissant chassait la lumière des énormes solarines qui brillaient parmi les roches translucides habillant les parois.

Ils avaient atteint le bord de la faille la veille au crépuscule et entrepris aussitôt la descente. Ils n’avaient trouvé aucun sentier, pas même des rigoles creusées par les eaux, sur cette pente, raide par endroits, et le franchissement de certains murs lisses presque verticaux requérait de la patience, de l’agilité et de l’énergie. Ils n’avaient pas parcouru une longue distance lorsque la nuit les avait surpris. Les solarines formaient de somptueuses cicatrices de lumière qui soulignaient les reliefs de la gorge, mais elles laissaient des zones de ténèbres que renforçait le jeu des contrastes. Ils avaient donc décidé de s’arrêter et de s’installer dans un renfoncement protégé par un surplomb rocheux. Ils s’étaient allongés à même le sol et avaient essayé de dormir malgré le froid, la faim, la soif et l’inconfort de leur abri.

Alma, moins bien protégée qu’Orchéron, aurait aimé qu’il la prenne dans ses bras, même avec la présence répugnante de Double-Poil, mais son orgueil lui avait interdit de le lui suggérer, et il n’en avait pas pris l’initiative. Elle s’était donc condamnée à passer une nuit pénible, recroquevillée sur elle-même, tourmentée par les élancements de son pied gauche et par l’haleine glaciale qui s’insinuait entre les rochers. Elle avait cru deviner qu’il ne dormait pas non plus, qu’il était maintenu en éveil par le même désir qu’elle, et elle s’était demandé pourquoi, en certaines circonstances, les êtres humains avaient tant de mal à obéir au présent. Elle ne maîtrisait pas les émotions profondes et contradictoires soulevées en elle par Orchéron. Elle s’était désintéressée des hommes puisqu’ils s’étaient désintéressés d’elle, et il la renvoyait devant une énigme qu’elle n’avait jamais cherché à résoudre. Elle oscillait vis-à-vis de lui entre attirance et rejet, mais au fond d’elle elle savait qu’elle avait peur de s’engager sur un chemin où son individualité serait soumise à rude épreuve. Le quatrième sentier, celui de la connaissance, n’était pas dépourvu d’une forme de confort égoïste, elle l’avait vérifié à maintes reprises dans ses relations avec les autres djemales. Ce que lui proposait le présent, ce n’était pas seulement une descente au fond de cette gigantesque gorge, mais une aventure cent fois plus périlleuse, un élan vers un autre être humain, comme Djema et Maran avant leur fusion dans le Qval.

« Bien dormi ? »

Orchéron avait évidemment posé la question qu’il ne fallait pas poser. Elle lui lança un regard navré avant de se lever et d’étirer ses muscles engourdis. Elle sortit de l’abri et contempla la faille. La lumière du jour se fragmentait en une multitude de nuances dans les roches translucides et transformait la paroi opposée, distante de plusieurs lieues, en une dentelle scintillante changeante. Des groupes d’aiguilles plus ou moins larges, plus ou moins hautes émergeaient du fond insondable et s’éparpillaient comme des archipels flamboyants au-dessus de flots sombres.

« C’est beau, hein ? »

Elle haussa les épaules. La voix grave d’Orchéron l’avait tirée de sa contemplation. Il n’avait pas seulement l’art et la manière d’énoncer les banalités, il avait un certain don pour briser les enchantements.

Évidemment que c’était beau ! D’une beauté différente de la cité des descendants de l’Agauer, mais d’un équilibre parfait, miraculeux, malgré la profusion de formes et de couleurs.

« Nous ferions mieux de chercher quelque chose à manger », grogna-t-elle.

Il n’avait pas mérité son ressentiment, mais elle le tenait pour responsable de sa mauvaise nuit, tant pis pour l’injustice de la sentence.

« Je ne vois pas ce qu’on pourrait dénicher dans cette faille, objecta Orchéron. Il n’y a pas de végétation et pas d’animaux. C’est beau mais stérile.

— Votre Double-Poil ne vous a pas envoyé de visions ?

— Il vivait avec les habitants de la cité, pas dans cette faille.

— Et lui, il n’est pas comestible ? »

Ce fut au tour d’Orchéron de lui jeter un regard navré.

« Ce n’est pas un yonk ni un autre animal. Il est doué d’une forme d’intelligence. Elle est seulement différente de la nôtre, mieux adaptée à son monde que la nôtre. Comme celle des furves des plaines. »

Alma lui posa la main sur l’avant-bras en un geste d’apaisement.

« Excusez-moi, c’était seulement une réflexion stupide. Je… je ne vous ai pas encore remercié de m’avoir délivrée du cocon dans le gouffre sous la cité.

— Bah, je n’ai pas eu beaucoup de mérite. C’est le temps qui a fait tout le travail.

— Non, pas le temps mais le voyageur dans le temps. Quoi qu’il en soit, je vous remercie. »

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