Читаем Orchéron полностью

— Il s’est adapté à son monde, comme tu le disais tout à l’heure. Il lutte à sa manière contre les accélérations temporelles. Les êtres vivants prévoient les pénuries en amassant des réserves de nourriture ou d’eau ; lui, il accumule de la mémoire. Et, si son hôte se montre suffisamment réceptif, il lui envoie les informations disponibles qui correspondent à un besoin précis à un moment précis.

— Il m’a donné l’information pour me servir du puits d’apesanteur, fit observer Orchéron. Pas pour m’indiquer la sortie.

— Je crois deviner que tu t’es un peu… énervé quand tu étais coincé au troisième étage. Double-Poil se rétracte s’il perçoit de la violence. Il est capable au besoin de nous montrer des scènes de violence qui ne le concernent pas, mais, en dehors de ça, il n’a vraiment pas envie de s’encombrer de souvenirs blessants.

— Je ne lui ai pas laissé que de bons souvenirs, on dirait…

— Le pire, c’est celui de la nappe phréatique. Il l’a gardé en mémoire comme les autres, comme si ce passé n’avait jamais été annulé. Tu l’as entraîné dans un antre effrayant : le monstre des profondeurs est son principal, peut-être même son unique prédateur. »

Les silhouettes continuaient de dévaler la pente ruisselante de lumière. Nul besoin d’être grand prophète pour s’apercevoir qu’au train où ils progressaient ils auraient opéré la jonction avant le milieu de l’après-midi.

« On dirait que tu as changé d’avis à propos des vêtements vivants ! » lança Orchéron.

Elle le dévisagea avec une ardeur qui lui brûla le front et les joues.

« L’ouverture au présent nous invite à nous défaire de nos anciens avis et à en adopter de nouveaux. »

Elle tentait visiblement de lui signifier quelque chose, mais, perturbé par la pression de son regard, il choisit de s’engouffrer dans une échappatoire.

« Qu’est-ce qu’on fait pour ces deux-là ?

— Double-Poil nous a livré ses informations disponibles sur eux : les protecteurs des sentiers ont essayé de te capturer au pied de la colline de l’Ellab, il a puisé cette scène dans ta mémoire pour me la montrer. Puis il m’a informé que les lakchas sont autrefois venus sur le deuxième continent afin d’exterminer le peuple de l’Agauer. J’en déduis que ces deux-là sont des chasseurs et des protecteurs des sentiers lancés à ta poursuite et qu’ils ont emprunté le même passage que leurs prédécesseurs.

— Ils m’auraient suivi jusque-là pour éteindre ma lignée ?

— Je te l’ai dit l’autre jour, ta lignée a certainement quelque chose à voir avec les umbres. Allons-y. Nous devons à tout prix arriver au fond de la faille avant qu’ils nous rattrapent. »

Ils entamèrent une course de vitesse qui soumit les organismes à rude épreuve, celui d’Alma en particulier, sans cesse obligée de transférer le poids de son corps sur sa jambe droite.

La paroi s’incrustait à présent de murs verticaux d’une hauteur équivalente à cinq ou six hommes. Ils présentaient heureusement des saillies régulières dont on pouvait se servir comme de prises mais qu’il fallait utiliser avec une extrême précaution à cause de leurs bords tranchants. Orchéron ouvrait la voie en s’efforçant de tenir compte de l’envergure d’Alma dans le choix des passages. Quand les aspérités lui paraissaient trop écartées, il l’attendait, en équilibre contre le mur, la main tendue pour l’aider à franchir l’obstacle. Une glissade sur ces façades abruptes aurait entraîné une chute mortelle plusieurs lieues en contrebas. Leurs pieds nus s’écorchaient sur la roche translucide aux arêtes plus effilées que des lames. Exténuée, hors d’haleine, Alma sollicita une pause à plusieurs reprises. Orchéron la lui accorda d’autant plus volontiers que lui-même éprouvait le besoin de souffler. De temps à autre, selon l’inclinaison de la paroi, ils perdaient de vue leurs poursuivants, puis ils les voyaient resurgir entre les rochers, à chaque fois plus proches.

Orchéron avait proposé à Alma de les attendre et de leur préparer un piège ; elle avait objecté qu’il valait mieux éviter l’affrontement avec des hommes probablement aguerris, dangereux, et que la manière la plus sûre de s’en débarrasser était d’arriver avant eux au fond de la gorge. Mais le fond de la gorge paraissait se reculer au fur et à mesure qu’ils s’en rapprochaient, et les deux lakchas continuaient de gagner du terrain.

Bien que Jael fût encore haut, les roches translucides se gorgeaient déjà de la pourpre crépusculaire. La faille trempait dans un silence opaque qui buvait avidement les sifflements de la bise, leurs expirations, les froissements de leur peau, des tissus et du pelage de Double-Poil sur la roche. Ils avaient l’impression de s’enfoncer dans une immense veine aux bords empourprés, au sang noir, grossie par les filets qui s’écoulaient de leurs écorchures.

« Je n’en peux plus, gémit Alma.

— Encore un effort. Ils se rapprochent. »

Ils venaient de franchir une muraille verticale de cent pas de hauteur, de plusieurs lieues de largeur, hérissée de saillies qui rougeoyaient comme des braises au-dessus du vide.

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