On discernait parfaitement les deux hommes à présent, bruns, sveltes, vêtus de peaux et chaussés de bottes comme tous les lakchas. Ils dévalaient les faces abruptes avec agilité, se laissaient parfois glisser le long d’un mur brillant avant de se récupérer d’un petit bond sur une corniche. Ils auraient comblé l’intervalle dans très peu de temps maintenant, surtout qu’Alma, effondrée contre une pierre, livide, était allée au bout de ses forces, que sa volonté, son courage, pourtant immenses, ne suffisaient plus à la porter.
Orchéron se débarrassa du panier dont il ne restait plus grand-chose, dégagea son couteau et réfléchit sur l’accueil qu’il convenait de réserver à ses poursuivants. Ils le traquaient pour le tuer, sans aucun doute, leur allure était celle de prédateurs, d’ombres de la mort.
« Je… je suis désolée, gémit Alma. Sans moi, tu… »
Il lui posa l’index sur les lèvres.
« Sans toi, je ne serais jamais descendu au fond de cette gorge, dit-il avec un sourire.
— Ta sœur adoptive, tu… tu y penses toujours ?
— Elle appartient au passé. Et tu prétends que seul le présent compte, non ? »
La fourrure rougeâtre de Double-Poil fut traversée d’ondulations amples, répétées, comme un champ de manne balayé par le vent. La paix infinie de la faille offrait un contraste violent avec la tension engendrée par la proximité des deux lakchas. Le ciel et la terre s’unissaient tout là-haut dans une symphonie mauve et rouge dont les notes se prolongeaient en filaments diaprés sur les parois.
« Oui, oui, bien sûr, murmura Alma.
— Quoi ?
— Ta lignée. Je sais pourquoi les… »
Elle s’interrompit, les yeux agrandis par l’effroi. À quelques pas d’eux flottait, immense, immobile, silencieux, un umbre qui s’était envolé du fleuve de ténèbres.
CHAPITRE XXIX
TRAQUES