Читаем Orchéron полностью

Les scintillements de la trame émettaient des sons qui formaient un chœur à l’ineffable beauté. Il le percevait à chaque fois qu’un courant le rejetait à l’extérieur d’une bouche, puis, à nouveau happé, projeté sur des distances inconcevables, il replongeait dans le cœur de sa souffrance, il redevenait ce fil fragile sur le point de se rompre, de se disperser à jamais dans le labyrinthe. Il se vidait de sa mémoire comme des grains de manne s’échappant d’un sac. Ses petits sauts sur le nouveau monde avaient engendré des blocs compacts de souvenirs qui se désagrégeaient peu à peu. Il avait bel et bien vécu pendant les trois ans qui séparaient son exposition avec sa mère Lilea sur la colline de l’Ellab et le moment où Aïron l’avait recueilli sur le bord d’Abondance. Les umbres avaient détruit ses liens, il s’était relevé, il avait dévalé la pente de la colline, une jeune fille l’avait installé dans une cabane et nourri pendant un an, puis il avait vu s’approcher des hommes et la jeune fille en pleurs, il avait compris qu’ils le recherchaient et il s’était enfui à travers les champs de manne sauvage. Il avait rôdé encore un an dans les parages d’un mathelle, dormant dans une grotte proche, volant des fruits et des pains, buvant la nuit l’eau des fontaines, observant avec envie les enfants qui se promenaient en compagnie de leurs mères dans les allées fleuries. Surpris par un groupe de garçons qui ne l’avaient pas dénoncé, il avait enduré pendant quelques mois leurs sévices cruels avant d’errer à nouveau sur les plaines et de rencontrer Aïron au bord de la rivière. Il s’était d’abord enfui, mais Aïron, que sa stérilité rendait malheureux, l’avait rattrapé et lui avait proposé de devenir son père adoptif. Et puis il y avait eu sa mère Orchale, bonne, généreuse, il y avait eu surtout Mael, espiègle, jolie, avec laquelle il avait noué une complicité immédiate.

Mael… Que devenaient ceux qu’emportaient les umbres ? Avait-elle été comme lui précipitée dans ce labyrinthe ? Ou bien avait-elle seulement subi un vieillissement précipité qui avait transformé son corps en poussière, en néant ?

Qu’était devenue Alma ?

Alma… Il avait envie de tenir son visage dans le creux de ses mains, de plonger dans ses yeux sombres, de l’entendre se moquer de lui.

Alma bénéficiait d’une protection elle aussi, la protection de Qval Djema. Elle avait peut-être résisté aux formidables accélérations des passages, elle était peut-être saine et sauve sur un fil de la trame. Il lui sembla discerner son chant dans le chœur du scintillement, la note autour de laquelle il lui fallait s’enrouler, l’onde qui lui permettrait de recouvrer son intégrité et de s’orienter dans le labyrinthe.

Il se concentra sur le visage d’Alma lors de ses déplacements suivants. Il eut la sensation que sa souffrance diminuait, qu’il retrouvait un peu de sa cohésion, que chacun de ses sauts poursuivait désormais un but, qu’il se rapprochait d’un point précis de la trame.

Il fut projeté, au bout d’un interminable passage, dans la lumière éblouissante d’un monde. Un long temps lui fut nécessaire pour prendre conscience qu’il était à nouveau un esprit emprisonné dans un corps, pour sentir les caresses brûlantes de l’astre du jour sur son torse. La sensation de vertige, si intense qu’elle lui donnait la nausée, s’estompa peu à peu. La souffrance n’avait pas complètement disparu, elle fredonnait dans ses nerfs. Il dut patienter encore avant de rouvrir les yeux. Il entendait des cris perçants semblables à ceux des oiseaux multicolores du bord des grandes eaux orientales. Mais il sut qu’il n’était pas au bord de grandes eaux, l’odeur, l’atmosphère étaient différentes. Il respirait des vapeurs chaudes et légèrement soufrées qui lui rappelaient les sources bouillantes des grottes du Triangle.

Il parvint enfin à entrouvrir les paupières. Il était allongé sur un tapis d’herbe et de fleurs mauves, non loin de rochers noirs et déchiquetés d’où jaillissaient des gerbes d’une écume fumante. Il aperçut les taches mouvantes des oiseaux sur un fond de ciel étincelant. La bouche des umbres béait à quelques pas de lui, traversée de convulsions. Il se demanda si elle était là depuis la nuit des temps ou bien si elle s’était seulement ouverte sur son passage. Elle évoquait un umbre posé sur le sol, hormis la forme, légèrement plus arrondie, et l’absence de queue. Son pourtour en revanche avait la même apparence que les ailes – ou les nageoires – des prédateurs volants, une substance grise, floue, volatile, qui paraissait se fondre dans une autre dimension.

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