Читаем Orchéron полностью

Les solarines découpaient des visages à la fois graves et chaleureux sur le fond de ténèbres. Elles éclairaient, en arrière-plan, les chariots de conservation, les yonks domestiques attachés aux rayons des roues et les différents équipements du bivouac. Ankrel croisa le regard brillant de Jozeo, assis en tailleur derrière le premier rang formé par les plus anciens. Le chef de cercle, Eshvar, un homme qui avait dépassé les cent cinquante ans, un âge très rare pour un chasseur, avait pris place sur une peau de yonk et s’était muni de la grande corne, symbole de son autorité. Les frémissements harmonieux des herbes s’échouaient dans le silence nocturne comme des soupirs lointains, nostalgiques. On entendait également, venant du bivouac, les pleurs et les reniflements de certains apprentis à qui on avait coupé les cheveux – avec une telle brutalité qu’on leur avait profondément entaillé le cuir chevelu.

« Loués soient les lakchas du cinquième sentier, le sentier du don de la nourriture, le sentier de l’abondance. »

La voix éraillée d’Eshvar courut dans la nuit comme un amaya grinçant de l’espace et hérissa la peau d’Ankrel. La face émaciée du vieil homme, encadrée de tresses noires, n’était plus qu’un lacis de rides creusées par la lueur blanche de la solarine.

« Loués soient les lakchas qui nous demandent aujourd’hui d’accueillir dans notre cercle Vimor et Ankrel. »

L’ordre des noms n’avait sans doute aucune signification, mais Ankrel fut mortifié d’être cité après Vimor. Il frissonna, réprima son impatience d’une longue expiration. Il en avait assez d’être exposé nu comme un yonk aux regards de ces hommes. S’il admettait la nécessité de la nudité dans l’épreuve, où aucune assistance, aucune tricherie n’était permise, il ne voyait pas l’intérêt de la prolonger à l’intérieur du cercle. Les chasseurs ne pouvaient sûrement pas juger des aptitudes d’un apprend en examinant la profondeur de ses blessures ou le volume de ses testicules – il lui fallait reconnaître que, sur ce plan au moins, Vimor marquait sur lui un sérieux avantage.

« En vous élevant à la dignité de lakchas, Vimor et Ankrel, nous commémorons ce jour où Djema et Maran en appelèrent aux autres enfants-dieux, Aphya, Poz, Ming, Darl, Gœt, afin de distribuer la manne céleste aux passagers de l’arche, ajouta le chef de cercle. Vous aurez désormais le devoir de fournir à leurs descendants, à nos frères du nouveau monde, leurs justes rations de viande, de corne et de peau. Une tâche noble, magnifique, la plus grande de toutes assurément. Une lourde responsabilité également. Puissiez-vous en être dignes jusqu’à votre départ pour le chemin des chanes. »

Eshvar se leva et s’avança d’une démarche chaotique vers les deux impétrants. Ankrel sut que l’ordre des noms n’avait vraiment aucune importance quand le vieil homme se dirigea vers lui et, de la pointe de la grande corne, lui toucha le front, le plexus solaire, le nombril et le pubis. Il devina – ou crut deviner – qu’ils étaient restés nus pour être marqués symboliquement dans leur chair et, rasséréné, il adressa un sourire radieux au chef de cercle.

« Nous fondons de grands espoirs sur toi, Ankrel, murmura Eshvar en lui rendant son sourire. Pas seulement Jozeo ou les membres de ce cercle, mais d’autres qui ont de grands projets pour l’avenir.

— Quels projets, lakcha ? »

Le vieil homme reposa la corne sur son épaule, un mouvement qui arracha un froissement prolongé à sa veste et à son pantalon de peau. Son odeur forte, imprégnée de relents de graisse de yonk, fouetta les narines d’Ankrel.

« Il est encore trop tôt pour t’en parler. Cette nuit, nous nous contenterons de manger et de boire pour célébrer ton succès.

— Notre succès, vous voulez dire ? » souffla Ankrel.

Deux pas plus loin, Vimor tendait désespérément le cou pour essayer de capter des bribes de leur conversation. Ankrel ne discerna pas la moindre trace de bienveillance dans le coup d’œil que décocha le chef de cercle à son compagnon d’épreuve.

« Votre succès, effectivement, chuchota Eshvar. J’avais… nous avions pensé que tu serais le seul à surmonter l’épreuve, mais apparemment nous avions sous-estimé le facteur chance. »

Le vieil homme se détourna, s’avança vers Vimor et le toucha à son tour de la pointe de la corne, mais, même s’ils tenaient à deux dans le cercle, même s’ils étaient deux à partager le rituel, Ankrel savait désormais que les chasseurs le regardaient comme le seul vainqueur de la nuit, comme le seul apprenti digne d’entrer dans le premier cercle, et cette certitude lui valut une exaltation encore plus éblouissante que la mort paisible de son troisième yonk.

<p>CHAPITRE V</p><p>COUILLES-À-MASQUES</p>
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