Ils ne purent organiser une réception plus ostensible. La persécution sourde des adeptes du Nazaréen les encerclait de toute part. Les derniers conseillers honnêtes de l'Empereur disparaissaient. Rome s'enfonçait dans des crimes qui se répétaient quotidiennement. De nobles personnalités patriciennes et du peuple étaient victimes d'attentats cruels. L'atmosphère de terreur dominait toutes les activités politiques et à l'inventaire de ces calamités, les chrétiens étaient les plus durement punis vu l'attitude hostile de ceux qui s'accommodaient des dieux antiques et qui s'adonnaient aux plaisirs d'une existence dépravée et facile. Les partisans de Jésus étaient accusés et rendus responsables de toutes les difficultés qui survenaient. Si surgissait une plus forte tempête, le phénomène était dû aux adeptes de la nouvelle doctrine. Si l'hiver était plus rigoureux, l'accusation pesait sur eux, car personne plus que les disciples du Crucifié n'avait autant méprisé les sanctuaires de la croyance antique en négligeant les faveurs et les sacrifices aux divinités protectrices. À partir du règne de Claude, de viles rumeurs concernant les pratiques chrétiennes se répandirent. La fantaisie du peuple, avide de distributions de blé lors des grandes fêtes du cirque, imaginait des situations inexistantes et faisait naître des idées extravagantes et absurdes concernant les croyants de l'Évangile. Voilà pourquoi depuis l'année 58, les chrétiens pacifiques étaient menés au cirque comme s'ils étaient des esclaves révoltés ou rebelles qui devaient disparaître. De sorte que l'oppression s'aggravait quotidiennement. Les Romains plus ou moins illustres, de nom ou de situation financière qui sympathisaient avec la doctrine du Christ, continuaient indemnes des vexations publiques ; mais les pauvres, les ouvriers, les fils de la plèbe, étaient menés au martyre par centaines. Ainsi, les amis de l'Évangile ne préparèrent aucun hommage public à l'arrivée de Simon Pierre. À l'inverse, ils cherchèrent à donner à cet événement un caractère privé pour ne pas éveiller les représailles des sbires de la situation.
Pris de joie, Paul de Tarse tendit les bras à son vieil ami de Jérusalem. Simon était en compagnie de sa femme et de ses fils, ainsi que de Jean. Sa parole généreuse était pleine de nouveautés pour l'apôtre des gentils. Au bout de quelques minutes, il apprit le décès de Jacques et eut des nouvelles des tourments infligés à l'église de Jérusalem par le Sanhédrin. Le vieux pêcheur racontait les dernières péripéties de son sort avec bonne humeur. Il commentait les témoignages les plus difficiles avec un sourire sur les lèvres et intercalait tous ses récits de louanges à Dieu. Après s'être rapporté aux luttes engagées lors de pèlerinages nombreux et répétés, il raconta à l'ex-rabbin qu'il s'était réfugié pendant quelques jours à Éphèse auprès de Jean, où il fut accompagné par les fils de Zébédée jusqu'à Corinthe, puis ils décidèrent de se rendre à la capitale de l'Empire. Paul, à son tour, lui a parlé des tâches reçues de Jésus pendant ces dernières années. Il fallait voir l'optimisme et le courage de ces hommes qui, enflammés de l'esprit messianique et aimant du Maître, commentaient les désillusions et les douleurs du monde comme des récompenses de la vie.
Après les douces joies des retrouvailles, le groupe s'est discrètement dirigé vers la maisonnette réservée à Simon Pierre et à sa famille.
Ressentant l'excellence de cet accueil affectueux, l'ex-pêcheur ne trouvait pas de mots pour traduire ses joies profondes. Comme Paul quand il était arrivé à Pouzzoles, il avait l'impression d'être dans un monde différent de celui où il avait vécu jusqu'à présent.
À cette arrivée, les services apostoliques ont augmenté mais le prédicateur des gentils n'abandonnait pas l'idée d'aller en Espagne. Soutenant que Pierre le substituerait avec bonheur, il décida d'embarquer le jour programmé sur un petit navire en partance pour la côte gauloise. Les protestations amicales n'y firent rien, pas même l'insistance de Simon pour qu'il reporte son voyage. En compagnie de Luc, de Timothée et de Demas, le vieil avocat des gentils, Paul est parti à l'aube d'un beau jour, plein de généreux projets.
En route vers le territoire espagnol, la mission a visité une partie des Gaules, il s'attarda plus longuement dans la région de Tortosa. En tous lieux, la parole et les actes de l'apôtre gagnaient de nouveaux cœurs pour le Christ, multipliant les services de l'Évangile et rénovant les espoirs populaires à la lumière du Royaume de Dieu.
Mais à Rome la situation devenait de plus en plus grave. La perversité de Tigellia à la tête de la préfecture des prétoriens semait la terreur parmi les disciples de Jésus. L'unique décret manquant était celui qui aurait condamné publiquement les citoyens romains, sympathisants de l'Évangile, car pour ce qui était des libérés, des descendants d'autres peuples et des enfants de la plèbe, ils remplissaient déjà les prisons.