- Je respecte et je prends votre avis en considération mais, avant tout, je pense qu'il est primordial de faire libérer Jean. Si c'était moi le prisonnier, ce serait moins grave et vous n'auriez pas à juger le cas avec une telle urgence. Je suis vieux, épuisé, aussi vaudrait-il mieux et peut-être me serait-il plus utile de méditer sur la miséricorde de Jésus à travers les barreaux d'une prison.
Mais Jean est relativement jeune, fort et dévoué ; le christianisme de l'Asie ne peut dispenser ses activités constructives jusqu'à ce que d'autres travailleurs soient appelés à l'ensemencement divin. Concernant vos doutes, néanmoins, il convient de présenter un argument qui exige de la pondération. Pourquoi considérez-vous impropre la sollicitation faite à Popéia Sabine ? Vous auriez la même façon de penser si je m'étais adressé à Tigellia ou à l'empereur lui-même ? Ne seraient-ils pas victimes de la même prostitution qui affecte les favorites de la cour ? Si je mettais allié à un militaire ivre du Palatin pour obtenir la libération de notre compagnon, peut-être auriez-vous applaudi mon geste sans restriction aucune. Frères, il est fondamental de comprendre que la destruction morale de la femme vient presque toujours de la prostitution de l'homme. Je suis d'accord pour dire que Popéia n'est pas le personnage qui convient le mieux dans le cas présent en vertu des faiblesses de sa vie personnelle ; néanmoins, c'est la providence que les circonstances ont indiqué et nous devons faire libérer le dévoué disciple du Seigneur. D'ailleurs, j'ai cherché à faire valoir de tels arguments en lui rappelant l'exhortation du Maître quand il recommande à l'homme de cultiver des amis avec les richesses de l'iniquité20
. Je considère que toutes relations avec le Palatin sont des expressions de fortune inique ; mais je pense qu'il est utile d'amener ceux qui se « meurent » dans le péché à réaliser des actes de charité et de foi pour qu'ils se détachent ainsi des liens avec leur passé délictueux, assistés par l'intercession d'amis fidèles.20 (1) Luc. Chapitre 16, verset 9. - (Note d'Emmanuel)
L'élucidation de l'apôtre a répandu un grand silence dans toute l'enceinte. En quelques mots, Paul de Tarse avait fait entrevoir à ses compagnons des conclusions transcendantes d'ordre spirituel.
La promesse fut tenue. Trois jours plus tard, le fils de Zébédée retrouvait sa liberté. Jean était très affaibli. Les mauvais traitements, la contemplation des terribles scènes de la prison, l'attente angoissante avaient plongé son âme dans de pénibles tourments.
Pierre se réjouissait, mais attentif à la tension ambiante, l'ex-rabbin suggéra le retour de l'apôtre galiléen en Asie sans perdre de temps. L'église d'Éphèse l'attendait. Jérusalem devait pouvoir compter sur sa collaboration désintéressée et fraternelle. Jean n'eut pas le temps de beaucoup réfléchir car Paul, comme possédé par d'amers pressentiments, partit pour le port d'Ostie organiser son embarquement où il profita d'un navire napolitain prêt à larguer les amarres pour Milet. Rattrapé par les dispositions prises et incapable de résister à l'ex- rabbin résolu, le fils de Zébédée a embarqué fin juin 64, tandis que ses amis restaient à Rome pour poursuivre la belle bataille au profit de l'Évangile.
Plus les horizons étaient sombres, plus le groupe des frères de foi en le Christ Jésus était uni. Les réunions dans les lointains cimetières abandonnés se multipliaient. En ce temps de souffrances, les prédications semblaient plus belles.