Le fils d'Agrippine et ses courtisans les plus proches décidèrent d'offrir au peuple le premier spectacle début août 64, comme démonstration positive des mesures officielles prises contre les auteurs supposés de l'infâme attentat. Les autres victimes, ceux qui seraient jetés en prison après la fête initiale, serviraient d'ornement aux futures réjouissances, au fur et à mesure que la ville serait relevée de ses cendres avec les nouvelles constructions. Pour cela, la réédification immédiate du Grand Cirque fut décidée. Avant de répondre aux propres besoins de la cour, l'empereur voulait s'assurer la sympathie du peuple ignorant et souffrant, nourrissant ce qui pouvait satisfaire ses étranges caprices.
Le premier carnage destiné à distraire l'esprit populaire fut organisé dans des jardins immenses dans la partie qui n'avait pas été touchée par la destruction, au beau milieu d'orgies honteuses où la plèbe participa avec la grande partie du patriciat qui se livrait à la débauche et au déséquilibre. Les festivités se prolongèrent pendant plusieurs nuits consécutives sous la clarté d'une splendide illumination et au rythme harmonieux de nombreux orchestres qui inondaient l'air de tendres mélodies. Sur des lacs artificiels glissaient de gracieux bateaux, artistiquement illuminés. Au sein du paysage, favorisé par les ombres de la nuit que les torches puissantes ne réussissaient pas à éloigner complètement, la débauche festoyait se distrayant franchement. Aux côtés des expressions festives, défilait le martyre des pauvres condamnés. Les chrétiens étaient livrés au peuple pour la punition qu'il jugeait être juste. Pour cela, à intervalles réguliers, les jardins étaient pleins de croix, de poteaux, de fouets et de nombreux autres instruments de flagellation. Il y avait des gardes impériaux pour assister aux activités punitives. Auprès des bûchers, il y avait de l'eau et de l'huile bouillante, ainsi que des pointes en fer embrasées pour ceux qui désireraient les appliquer.
Les gémissements et les sanglots des malheureux se mariaient ironiquement avec les notes harmonieuses des luths. Certains expiraient entre des larmes et des prières, aux cris du peuple ; d'autres se livraient stoïquement au martyre, contemplant l'infini du ciel étoile.
L'exhortation la plus forte serait encore pauvre pour traduire les douleurs immenses de tous ces chrétiens en ces temps angoissants. Et malgré les tourments inénarrables, les fidèles partisans de Jésus révélèrent le pouvoir de la foi à cette société perverse et décadente, affrontant les tortures qu'ils devaient supporter. Interrogés dans les tribunaux, à une heure si tragique, ils déclaraient ouvertement leur confiance en le Christ Jésus, acceptant les souffrances avec humilité, par amour pour son nom. Cet héroïsme semblait exciter encore davantage les esprits de la foule animalisée. De nouveaux types de supplice étaient inventés. La perversité présentait, quotidiennement, de grandes nouveautés dans son éloquence empoisonnée. Mais les chrétiens semblaient possédés d'énergies différentes de celles connues sur les champs de batailles sanglants. La patience invincible, la foi puissante, la capacité morale de résistance, stupéfiaient les plus intrépides. Nombreux furent ceux qui se livrèrent au sacrifice en chantant. Très souvent, devant tant de courage, les bourreaux improvisés craignaient le mystérieux pouvoir triomphant de la mort.
Une fois la tuerie du mois d'août terminée, dans un élan d'enthousiasme populaire, la persécution se poursuivit sans trêve pour que les victimes ne manquent pas aux spectacles organisés périodiquement et offerts au peuple comme réjouissance pour la reconstruction de la ville.
Devant les tortures et le carnage, le cœur de Paul de Tarse saignait de douleur. La tourmente perpétrait la confusion dans tous les secteurs. Les chrétiens d'Orient, en majorité, s'employaient à fuir les luttes, forcés par les circonstances impérieuses de leur vie personnelle. Rejoint par Pierre, le vieil apôtre désapprouvait cette attitude. À l'exception de Luc, tous les collaborateurs directs qu'ils connaissaient depuis l'Asie, étaient repartis. Néanmoins, partageant le sort des désemparés, l'ex-tisserand voulut à tout prix assister à ces événements incroyables. Les églises domestiques gardaient le silence. Les grands salons loués dans Suburre pour les prédications de la doctrine étaient fermés. Il ne restait aux partisans du Maître qu'un moyen de se voir et de se réconforter dans la prière et dans les larmes communes: c'était lors des réunions dans les catacombes abandonnées. Et la vérité est qu'ils ne dispensaient aucun sacrifice pour accourir en ces lieux tristes et solitaires. C'était dans ces cimetières oubliés qu'ils trouvaient le réconfort fraternel face au moment tragique qu'ils vivaient. Là ils priaient, commentaient les lumineuses leçons du Maître et trouvaient de nouvelles forces pour les témoignages imminents.