Paul de Tarse et ses compagnons s'afféraient aux constructions spirituelles quand la ville fut brusquement secouée par un événement étonnant. Dans la matinée du 16 juillet 64, éclata un violent incendie à proximité du Grand Cirque, comprenant toute la région du quartier localisé entre le Celio et le Palatin. Le feu avait commencé dans de vastes entrepôts pleins de matériel inflammable et s'était propagé à une rapidité surprenante. En vain, les ouvriers et les hommes du peuple furent amenés à lutter contre la violence des flammes ; en vain, la foule nombreuse et compacte déploya des efforts pour maîtriser l'horreur de la situation. Les flammes augmentaient toujours davantage, s'étendant avec fureur, laissant des piles de décombres et de ruines derrière elles. Rome entière accourrait pour voir le sinistre spectacle, déjà enflammée par ses passions menaçantes et terribles. Avec une fabuleuse rapidité, le feu entoura le Palatin et envahit le Vélabre. Le premier jour se terminait avec d'angoissantes perspectives. Le firmament était couvert d'une fumée épaisse, une grande partie des collines était illuminée par la clarté odieuse du terrible incendie. Les élégantes demeures de l'Aventin et du Celio ressemblaient aux arbres secs d'une forêt en flammes. La désolation des victimes de l'énorme catastrophe ne faisait que grandir. Tout brûlait aux alentours du Forum. L'exode commença avec d'infinies difficultés. Les portes de la ville étaient congestionnées de personnes prises d'une profonde terreur. Des animaux épouvantés couraient le long des rues comme poursuivis par des persécuteurs invisibles. Des édifices anciens, de solides constructions tombaient en ruine dans un funeste fracas. Tous les habitants de Rome désiraient fuir la zone embrasée. Plus personne n'osait attaquer le feu indomptable. Le deuxième jour se présenta avec le même spectacle inoubliable. Les populations renoncèrent à sauver quoi que ce soit ; elles se contentaient d'enterrer les morts indénombrables trouvés dans les lieux de possible accès. Des dizaines de personnes parcouraient les rues poussant des éclats de rire horribles ; la folie se généralisait parmi les créatures les plus impressionnables. Des civières improvisées conduisaient les blessés au hasard. De longs défilés envahissaient les sanctuaires pour sauver les somptueuses images des dieux. Des milliers de femmes accompagnaient la figure impassible des divinités protectrices dans de pénibles suppliques, faisant vœux de douloureux sacrifices tout en poussant des cris de stentor.
Dans le tourbillon des foules en folie, des hommes pieux ramassaient des enfants massacrés ou blessés. Toute la zone d'accès à la voie Appienne en direction d'Alba Longa, était engorgée d'habitants dépités, empressés de quitter la ville. Des centaines de mères criaient après leurs enfants disparus et, très souvent, des mesures étaient rapidement prises pour aider celles qui s'affolaient. La population toute entière désirait abandonner la ville en même temps. La situation était devenue dangereuse. La foule rebellée attaquait les litières des patriciens. Seuls les courageux cavaliers réussissaient à franchir la marée humaine, provoquant de nouveaux blasphèmes et de nouvelles lamentations.
Les flammes avaient déjà dévoré presque tous les nobles palais des Cannes et ne cessaient de ravager les quartiers romains entre les vallées et les collines où la population était très dense. Pendant une semaine, jour et nuit, le feu destructeur sillonna la ville semant la désolation et la ruine. Des quatorze circonscriptions que comprenait la métropole impériale, seuls quatre ne furent pas touchées. Trois n'étaient qu'un tas de décombres fumants et des sept autres il ne restait que quelques vestiges des édifices les plus précieux.
L'empereur était à Antium quand éclata le feu qu'il avait lui-même imaginé, car la vérité est que, désireux de construire une ville nouvelle avec les immenses ressources financières qui arrivaient des provinces tributaires, il avait projeté le célèbre incendie, triomphant ainsi de l'opposition du peuple qui ne désirait pas voir les sanctuaires transférés.
En plus de cette disposition d'ordre urbanistique, le fils d'Agrippine se caractérisait, en tout, par son originalité satanique. Se présumant être un brillant artiste, il n'était qu'un monstrueux bouffon qui marquait son passage dans la vie publique par des crimes indélébiles et odieux. Ne serait-il pas intéressant de présenter au monde une Rome en flammes ? Aucun spectacle, à ses yeux, ne serait plus inoubliable que celui-là. Sur les cendres, il reconstruirait les quartiers détruits. Il serait généreux envers les victimes de l'immense catastrophe. Il resterait dans l'histoire de l'Empire comme un administrateur magnanime et l'ami des sujets souffrants.