Il ne put dormir. Alors qu'il considérait les heures écoulées depuis le moment de son emprisonnement, il en conclut que le jour du sacrifice était imminent. Pas un rayon de lumière ne pénétrait dans la cellule infecte et étroite. Il ne percevait que de vagues rumeurs lointaines qui lui donnaient l'impression d'un rassemblement populaire sur la voie publique. Les heures passaient dans l'attente qui semblait interminable. Pris d'une angoissante fatigue, il réussit à trouver le sommeil. Il se réveilla plus tard incapable de calculer le nombre d'heures écoulées. Il avait soif et faim, mais pria avec ferveur sentant que de douces consolations se déversaient dans son âme émanant des sources de la providence invisible. Au fond, il était inquiet de la situation de ses compagnons. Un garde l'avait informé qu'un énorme contingent de chrétiens serait mené au cirque et il souffrait ne pas avoir été appelé à périr avec ses frères dans l'arène du martyre, par amour pour Jésus. Plongé dans ces réflexions, il n'a pas tardé à sentir que quelqu'un ouvrait prudemment la porte du cachot. Conduit à l'extérieur, l'ex-rabbin se trouva face à six hommes armés qui l'attendaient près d'un véhicule aux proportions régulières. Au loin, à l'horizon parsemé d'étoiles, les tons merveilleux de l'aube toute proche se dessinaient.
L'apôtre silencieux obéit alors à l'escorte. Ils attachèrent ses mains calleuses brutalement avec de grossières cordes. Un surveillant nocturne, visiblement ivre, s'approcha et lui cracha au visage. L'ex-rabbin s'est souvenu des souffrances de Jésus et reçut l'insulte sans révéler le moindre geste d'amour propre offensé.
Puis il y eut un nouvel ordre et il prit place dans le véhicule auprès des six hommes armés qui l'observaient perplexes face à tant de sérénité et de courage.
Les chevaux ont trotté rapidement comme s'ils voulaient atténuer la fraîcheur humide du matin.
Arrivés aux cimetières qui défilaient le long de la voie Appienne, les ombres nocturnes se défaisaient presque complètement, annonçant un jour de soleil radieux.
Le militaire qui commandait l'escorte ordonna d'arrêter le véhicule et, faisant descendre le prisonnier, il lui dit hésitant :
Le préfet des prétoriens, par jugement de César, a ordonné que vous soyez sacrifié le lendemain de la mort des chrétiens choisis pour les commémorations du cirque réalisées hier. Vous devez savoir donc que vous vivez vos dernières minutes.
Calme, les yeux brillants et les mains ligotées, Paul de Tarse, muet jusqu'à présent, s'est exclamé, surprenant ses bourreaux par sa majestueuse sérénité :
J'ai conscience de la tâche criminelle que vous devez accomplir... Mais sachez que les disciples de Jésus ne craignent pas les bourreaux qui ne peuvent annihiler que leur corps. Ne croyez pas que votre épée puisse éliminer ma vie, car en vivant ces minutes fugaces dans ce corps charnel, cela signifie que je vais pénétrer sans plus tarder dans les tabernacles de la vie éternelle avec le Seigneur Jésus-Christ, celui qui se chargera de vous, tout comme de Néron et de Tigellia....
La sinistre patrouille était atterrée de stupeur. Cette énergie morale au moment suprême aurait ébranlé les plus forts. Percevant la surprise générale et conformément à sa mission, le chef de l'escorte prit l'initiative du sacrifice. Les autres compagnons semblaient désorientés, nerveux, tremblants. L'inflexible préposé de Tigellia, néanmoins, somma le prisonnier de faire vingt pas en avant. Paul de Tarse a marché calmement, bien qu'au fond il s'en remette à Jésus, comprenant son besoin de soutien spirituel face au témoignage suprême.
Arrivé à l'endroit indiqué, le partisan de Tigellia a dégainé son épée, mais à cet instant, sa main a tremblé. Fixant la victime, il lui dit sur un ton presque imperceptible :
Je regrette d'avoir été désigné pour accomplir cette tâche et je ne peux intimement cesser de le déplorer...
Élevant son front tant qu'il le pouvait, Paul de Tarse a répondu sans hésiter :
Je ne suis pas digne de pitié. Ayez avant tout de la compassion pour vous-même, car je meurs en accomplissant des devoirs sacrés en fonction de la vie éternelle ; tandis que vous ne pouvez pas encore fuir les obligations brutales de la vie transitoire. Pleurez pour vous, oui, car je partirai en cherchant le Seigneur de la Paix et de la Vérité qui donne vie au monde ; alors que vous, une fois que votre tâche sanguinaire sera terminée, vous devrez retourner à l'odieux entourage des mandataires de crimes ténébreux de votre époque!...
Le bourreau ne cessait de le regarder avec stupéfaction. Remarquant qu'il tremblait, l'épée au poing, Paul lui fit sur un ton résolu :
Ne tremblez pas !... Faites votre devoir jusqu'au bout !
Un coup violent a fendu sa gorge, séparant presque entièrement la vieille tête enneigée par les souffrances du monde.