Bien que se sentant réconforté au fond, le vénérable ami des gentils ressentaient de singuliers présages. Il se surprenait à réfléchir au couronnement de sa carrière apostolique comme s'il ne lui restait plus qu'à mourir pour Jésus. Il combattait de telles pensées voulant poursuivre la diffusion des enseignements évangéliques. Jamais plus il ne put se rendre dans les catacombes pour y prêcher la Bonne Nouvelle, vu sa prostration physique, mais il profitait de la collaboration affectueuse et dévouée de Luc pour les épîtres qu'il jugeait nécessaires. Parmi elles, se trouvait la dernière lettre écrite à Timothée, profitant de deux amis qui partaient pour l'Asie, Paul écrivit ce dernier document à ce très cher disciple, prit de singulières émotions qui remplissaient ses yeux de larmes abondantes. Son âme généreuse désirait confier au fils d'Eunice ses dernières dispositions, mais luttait avec lui-même, ne voulant pas se sentir vaincu. En esquissant ces bienveillants concepts, l'ex-rabbin se sentit comme un disciple appelé à des sphères plus élevées, sans pouvoir se soustraire à sa condition d'homme qui ne désire pas capituler face au combat. En même temps qu'il confiait à Timothée sa conviction d'avoir terminé son ministère, il lui demandait de lui faire envoyer une grande cape en cuir laissée à Troas, chez Carpus, car il disait en avoir besoin pour son corps affaibli. Tandis qu'il lui transmettait ses dernières impressions pleines de prudence et d'affection, il suppliait ses bons offices pour que Jean-Marc vienne au siège de l'Empire afin de l'assister au service apostolique. Quand la main tremblante et ridée écrivit mélancoliquement : - « Seul Luc est avec moi »22
, le converti de Damas s'interrompit pour pleurer sur les parchemins. À cet instant, néanmoins, il sentit son front caressé par un léger battement d'ailes. Un doux réconfort a envahi son cœur aimant et intrépide. À ce moment de la lettre, il ressentit un nouvel élan et démontra à nouveau sa volonté de lutter, terminant avec des recommandations concernant les besoins de la vie matérielle et les travaux évangéliques.(22) 2 ème Épître à Timothée. Chapitre 4, verset 11. - (Note d'Emmanuel)
Paul de Tarse remit la lettre à Luc pour qu'il la fasse expédier, sans réussir à déguiser ses lugubres pressentiments. En vain, l'affectueux médecin, cet ami dévoué chercha à effacer ces appréhensions. En vain, Lino et Claudia essayèrent de le distraire.
Bien que n'abandonnant pas les travaux conformément à sa nouvelle situation, le vieil apôtre s'est plongé dans de profondes méditations d'où il ne sortait que pour s'occuper des besoins ordinaires.
Et effectivement, quelques semaines après l'envoi de son message à Timothée, un groupe armé s'est rendu chez Lino, après minuit, à la veille des grandes festivités qui devaient commémorer la reconstruction du Grand Cirque. Le propriétaire de la maison, sa femme et Paul de Tarse furent faits prisonniers, alors que Luc en réchappa puisqu'il dormait dans un autre endroit. Les trois victimes furent conduites à la prison du mont Esquilin, et démontrèrent leur puissante foi face au martyre qui commençait.
L'apôtre fut jeté dans une sombre cellule au secret. Les soldats eux-mêmes étaient intimidés par son courage. En quittant Lino et sa femme, alors qu'elle était en larmes, le valeureux prêcheur les embrassa en disant :
- Soyons courageux. Ce doit être la dernière fois que nous nous saluons avec les yeux matériels, mais nous nous verrons au royaume du Christ. Le pouvoir tyrannique de César n'atteint que notre misérable corps...
En vertu des ordres exprès de Tigellia, le prisonnier fut isolé de tous ses compagnons.
Dans l'obscurité de sa cellule qui ressemblait davantage à un trou humide, il fit une balance rétrospective de toutes les activités de sa vie livrée à Jésus, confiant entièrement en sa divine miséricorde. Il désirait sincèrement rester auprès de ses frères qui, de toute évidence, étaient destinés aux spectacles infâmes du lendemain et espérait avec eux communier l'Ostie des martyres quand arrivait l'heure extrême.