En une semaine, après les emprisonnements effectués dans la modeste église, eut lieu la mémorable session où Pierre, Jean et Philippe devaient être jugés. L'assemblée exceptionnelle éveilla la plus grande curiosité. Toutes les personnalités éminentes du pharisaïsme dominant étaient réunies là. Gamaliel y comparut laissant percevoir son abattement profond.
D'une manière générale, on commentait l'attitude des mendiants qui, n'ayant pas reçu l'autorisation d'entrer, s'étaient rassemblés en de longues files sur la grande place et protestaient en laissant entendre un brouhaha assourdissant. En vain, ils recevaient des coups de bastonnades à tort et à travers, car la foule de misérables avait atteint des proportions jamais vues jusque là. Le tableau était curieux et alarmant. Prendre des mesures pour vaincre la masse, semblait une tâche impossible. Les pèlerins et les malades se comptaient par plusieurs centaines. Il était inutile de les réprimer isolément, cela ne faisait qu'aggraver la révolte et le désespoir de beaucoup. En hurlant, ils réclamaient la liberté de Simon Pierre. Ils exigeaient dans le tumulte sa libération, comme Ils auraient exigé un legs de droit légitime.
Dans le noble salon, non seulement les assistants commentaient le fait, mais les juges aussi ne dissimulaient pas leur étonnement. Anas lui-même racontait les pressions dont il était l'objet de la part des privilégiés de Jérusalem. Alexandre alléguait qu'à sa résidence avaient afflué des centaines d'affligés pour lui demander sa clémence en faveur des prisonniers. Saûl, de temps en temps, répondait à l'un ou à l'autre par de courts monosyllabes. Son visage sombre traduisait des intentions inférieures à l'égard de la destinée des apôtres de la Bonne Nouvelle qui se trouvaient là devant lui, au fond de la salle, humbles, calmes, sur le banc des criminels ordinaires.
On remarqua alors que Gamaliel avait un entretien privé avec le grand sacrificateur qui dura quelques minutes, ce qui éveilla beaucoup la curiosité de ses collègues présents. Ensuite, le vénérable docteur de la
Quelle sentence sera proposée pour les prisonniers ? - a interrogé le vieil homme sur un ton indulgent dès qu'ils furent éloignés des groupes bruyants.
Comme ils sont Galiléens - a dit Saûl sur un ton emphatique -, le droit de parole dans l'enceinte ne leur sera pas accordé, de sorte que j'ai déjà délibéré de la punition qui les concerne. Je vais proposer la mort pour les trois, avec celle d'Etienne par lapidation.
Que dis-tu ? - s'exclama Gamaliel surpris.
Je ne vois pas d'autre issue - a dit le jeune tarsien -, nous devons extirper le mal par la racine. Je crois que si nous envisageons le mouvement avec tolérance, le prestige du judaïsme sera ébranlé par ses propres mains.
Néanmoins, Saûl - a répliqué le vieux maître avec une profonde bonté -, je dois invoquer l'ascendant que j'ai dans ta formation spirituelle pour défendre ces hommes de la peine de mort.
Le jeune homme capricieux devin livide. Il n'avait pas l'habitude de transiger dans ses idées et décisions. Sa volonté était toujours tyrannique et inflexible. Mais Gamaliel avait toujours été son meilleur ami. Ces mains ridées lui avaient donné les exemples les plus sacrés. À travers elles, il avait reçu beaucoup d'aide chaque jour de sa vie. Il comprit qu'il affrontait un obstacle puissant pour réaliser complètement ses désirs. Le vénérable rabbin perçut sa perplexité, et insista :
Personne plus que moi connaît la générosité de ton cœur et je suis le premier à reconnaître que tes résolutions obéissent au zèle irréprochable pour la défense de nos principes millénaires ; mais le « Chemin », Saûl, semble avoir une grande finalité dans le renouvellement de nos valeurs humaines et religieuses. Qui, parmi nous, s'était rappelé de soutenir les malheureux en leur donnant un foyer aimant et fraternel ? Avant que tu n'entames des actions correctives, j'ai visité cette institution simple et j'ai pu constater l'excellence de son programme.
Le jeune docteur était pâle en entendant de telles idées qui à son avis étaient un signe évident de faiblesse.
Mais serait-il possible - a-t-il dit ahuri - que vous ayez aussi lu l'Évangile des Galiléens ?
Je suis en train de le lire - a confirmé Gamaliel sans hésiter - et je prétends méditer plus longuement sur les phénomènes qui se produisent de nos jours. Je pressens de grandes transformations de toute part. Je prévois de me retirer de la vie publique dans quelques jours afin de prendre le chemin du désert. Il est clair, néanmoins, que ces paroles doivent rester entre nous en gage de notre mutuelle confiance.