Nous avons déjà organisé un vaste programme récréatif. Je veux t'emmener à Jéricho où des personnes de nos relations nous attendent avec une immense joie. À Jérusalem, je te ferai connaître les édifices les plus importants. Tu seras fascinée par le Temple et par les trésors qui y sont conservés par dévouement religieux de notre race. Tu verras la tour des Romains. Mes collègues qui fréquentent la Synagogue des Ciliciens veulent t'offrir un précieux cadeau.
Abigail était extasiée à l'entendre parler. Ce jeune homme impulsif et rude aux yeux étranges, mais affectueux et sensible dans l'intimité, était exactement l'homme idéal attendu par son âme tendre.
Personne ne pourra m'offrir un cadeau plus précieux que ton cœur loyal et généreux qui m'a été envoyé par Dieu - a murmuré la jeune fille avec un franc sourire.
J'ai gagné beaucoup plus - répondit le docteur de Tarse - en recevant le bijou rare de ton affection qui enrichira toute ma vie. Quelquefois, Abigail - continua-t-il avec l'enthousiasme propre à sa jeunesse rêveuse -, dans mon idéal de victoires pour Jérusalem sur les grandes villes du monde, je pense arriver à la vieillesse comme un triomphateur plein de traditions de sagesse et de gloire. Depuis que t'ai rencontrée, ma foi en ma destinée a grandi ; j'ai consolidé mes espoirs, j'aurai ton concours dans la tâche immense qui s'ouvre à mes yeux. Les Romains accordent aux triomphateurs une couronne glorieuse de lauriers et de rosés. Si un jour Jérusalem m'accorde sa couronne triomphale, je ne la porterai pas à mon front, mais je la déposerai à tes pieds en témoignage d'un amour éternel et unique.
Aujourd'hui encore - a continué Saûl confiant en l'avenir -, Gamaliel m'a informé qu'il va prochainement s'éloigner du Sanhédrin pour que je lui succède dans sa prestigieuse position. Là réside, chérie, notre première victoire aux plus grandes proportions. Dès que Dalila reviendra de Tarse, nous pourrons marquer l'heureux jour de nos noces. Je présume qu'en t'ayant toujours à mes côtés, je corrigerai mes impulsions, la tâche me sera plus légère, l'existence plus aisée et plus heureuse. Le foyer est une bénédiction. Et nous aurons ce foyer.
Jamais je ne me suis sentie aussi heureuse -s'exclama la jeune fille avec des larmes
de joie.
Il lui caressait les mains et, comme il désirait la voir partager ses sentiments les plus profonds, il ajouta :
Tu arriveras avec nous en ville, exactement la veille de la mort du prédicateur révolutionnaire. L'acte, conformément à la règle, obéira au cérémonial établi par nos coutumes et je souhaite que tu y assistes en ma compagnie.
Mais, pourquoi ? - lui a-t-elle demandé frémissant légèrement.
Parce que là-bas nous retrouverons nos amis les plus éminents et je désire profiter de l'occasion pour te présenter, indirectement, à eux.
N'y aurait-il pas un moyen de m'épargner ce spectacle ? - a-t-elle insisté timidement. - La mort de mon père au supplice devant les soldats barbares ne m'a jamais quittée.
Saûl ne dissimula pas sa contrariété et répondit :
On dirait que tu ne comprends pas ? Le cas d'Etienne est très différent. Il s'agit d'un homme sans importance pour nous, qui s'arbore en réformateur séditieux et insolent. Sa personnalité représente en fait la continuité de l'irrespect et de l'insulte à la Loi de Moïse initiés dans un mouvement aux vastes proportions par le charpentier halluciné de Nazareth. Tu penses alors que l'on ne doit pas punir les voleurs qui attaquent une résidence ?
Ceux qui blasphèment le sanctuaire de l'Éternel ne méritent-ils pas une punition ?
Elle comprit qu'il déplairait à son fiancé qu'elle démontre une divergence d'opinion, aussi a-t-elle ajouté :
Je vois que tu as vraiment raison. Je ne dois pas discuter tes idées sages et justes. D'ailleurs, j'ai même l'intention de conquérir l'amitié de tes amis au Sanhédrin, car je ne perds pas l'espoir de leur protection en ce qui concerne Jeziel, dès que s'offrira une occasion pour de nouvelles recherches en Achaïe. Mais écoute, Saûl : si tu le permets, j'irai quand la cérémonie touchera à sa fin. D'accord ?
Notant sa bonne volonté conciliante, le jeune tarsien a exprimé un beau sourire de satisfaction.
Oui, nous sommes d'accord. J'espère, néanmoins, que tu y assisteras avec sérénité, certaine que je ne peux prendre que des décisions justes et louables dans l'accomplissement de mon devoir. Il est lamentable que le prisonnier se soit montré récalcitrant au point de m'obliger à des mesures extrêmes. Néanmoins, tu peux croire que j'ai tout fait pour éviter ce dernier recours. J'ai employé toutes les formes de clémence pour le dissuader de faire de si dangereuses allusions, mais sa conduite a été si irritante que toute complaisance est devenue pratiquement impossible.