Seigneur, jamais je n'ai oublié la Loi de nos parents. Mes grands-pères m'ont enseigné à recevoir à genoux la lumière du saint prophète.
De toute évidence, l'attitude de Jacques était sincère. Consacrant le plus grand respect au libérateur d'Israël, il avait toujours entendu dire que ses livres sacrés étaient touchés d'une sainte vertu. S'attendant à être emprisonné, il tremblait à l'idée du danger imminent. Il n'avait pas pu comprendre plus amplement comme d'autres compagnons, le sens divin et occulte des leçons de l'Évangile. Le sacrifice lui inspirait d'indicibles craintes. Après tout, pensait-il dans sa compréhension partielle du Christ : - Qui restera pour veiller sur les œuvres commencées ? Le Maître a expiré sur la croix et, à cet instant même, les apôtres de Jérusalem étaient arrêtés. Il devait se défendre comme il le pouvait et selon ses moyens. Il pensa faire appel aux vertus surnaturelles de la Loi de Moïse, conformément aux vieilles croyances. Agenouillé, il attendait que ses bourreaux approchent.
Face à l'attitude inattendue de Jacques, Saûl de Tarse était stupéfait. Seuls les esprits profondément attaché au judaïsme lisaient à genoux les enseignements de Moïse. En toute conscience, il ne pouvait ordonner l'emprisonnement de cet homme. L'argument qui justifiai! sa tâche devant les autorités politiques et religieuses de Jérusalem était le combat aux ennemis des traditions.
Mais vous n'êtes pas l'ami du charpentier ?
Avec une enviable présence d'esprit, l'interpelle n répondu :
La Loi ne nous empêche pas d'avoir des amis que je sache.
Saûl fut embarrassé, mais il a continué :
Mais que choisissez-vous ? La Loi ou l'Évangile ? Lequel des deux acceptez-vous en premier lieu ?
La Loi est la première révélation divine - a dit Jacques avec intelligence.
À cette réponse qui le déconcertait en quelque sorte, le jeune homme de Tarse a réfléchi un moment et a ajouté s'adressant aux autres :
Très bien. Que cet homme reste en paix.
Le fils d'Alphée, sincèrement soulagé par le résultat de son initiative, croyait maintenant que la Loi de Moïse était touchée de grâces vivantes et permanentes. À son avis, c'était le code du judaïsme par son talisman qui l'avait conservé en liberté. Depuis ce jour, le frère de Lévi allait consolider pour toujours ses tendances superstitieuses. Le fanatisme que les historiens du christianisme percevaient dans sa personnalité énigmatique, trouvait là son origine.
S'éloignant de la retraite de Jacques, Saûl se préparait à sortir quand, de retour vers la porte pour ordonner le départ des prisonniers, il se trouva face à la scène qui devait l'impressionner le plus.
Tous les malades qui pouvaient se traîner, tous les abrités capables de se déplacer, entouraient Pierre, pleurant d'émotion. Quelques enfants l'appelaient « père » ; les anciens tremblants lui baisaient les mains...
Qui aura pitié de nous, maintenant ? - demandait une petite vieille abattue en sanglots.
Mon « père », où vont-ils vous emmener ? - disait un orphelin affectueux, étreignant le prisonnier.
Je vais au mont, mon fils - répondit l'apôtre.
Et s'ils vous tuent ? - répliqua le petit avec une grande interrogation dans ses yeux
bleus.
Je rencontrerai le Maître et je reviendrai avec lui -expliqua Pierre avec bonté.
À cet instant, est apparue la figure de Saûl. Dévisageant la foule de blessés, d'aveugles, de lépreux et d'enfants qui engorgeaient la salle, il s'exclama irrité :
Éloignez-vous, ouvrez-le passage !
Certains reculèrent épouvantés voyant les soldats approcher, tandis que les plus hardis ne firent pas un pas. Un lépreux, qui avait du mal à se tenir debout, s'est avancé. Le vieux Samonas, se rappelant du temps où il pouvait ordonner et être obéi, s'est approché de Saûl avec courage.
Nous devons savoir où vont ces prisonniers dit-il avec gravité.
Arrière ! - s'exclama le jeune tarsien esquissant un geste de répugnance. Se peut-il qu'un homme de la Loi ait à répondre à un vieil immonde ?
Les gardes armés voulurent s'avancer pour punir l'intrépide, mais la lèpre défendait Samonas de leurs attaques. Et profitant de la situation, l'ancien propriétaire de Césarée a répondu avec fermeté :
L'homme de la Loi ne doit rendre de comptes qu'à Dieu quant au juste accomplissement de ses devoirs ; mais dans cette maison, ce sont les codes de l'humanité qui parlent. Pour vous je suis immonde, mais pour Simon Pierre je suis un frère. Vous arrêtez les bons et vous libérez les mauvais ! Où est donc votre justice ? Croyez-vous seulement au Dieu des armées ? Il faut savoir que si l'Éternel est l'agent suprême de l'ordre, l'Évangile nous enseigne à chercher dans sa providence l'affection d'un Père.
Entendant cette voix digne qui émanait de la misère et de la souffrance comme un appel de désespoir, Saûl est resté effaré. Néanmoins, après une longue pause, le mendiant continua déterminé :